Matthijs Vermeulen
aan
Jean-Claude Baertsoen
Amsterdam, [begin januari 1954]
Un ami, lecteur de l'hebdomadaire auquel je collabore, m'envoie le numéro du Peuple où vous avez publié vos considérations sur le Verdict du Concours R.E. de B.
Les quelques termes que vous avez choisis pour donner une idée de mon œuvre m'ont frappé par leur concision, par la compréhension aussi, où vous mentionnez le centre attractif au milieu des chromatismes et je dois vous avouer que vos observations m'ont réconforté, réjoui, car ici en Hollande, quand exceptionnellement on me joue, l'on n'y comprend environ rien et on m’apprécie très peu. Pourtant, ma joie en vous lisant n'a pas été sans mélange. Vous dites que toutes les compositions couronnées auraient pu être écrites il y a vingt ans. Probablement vous avez raison, car depuis plus de vingt ans déjà je fais la même remarque. Le faux neuf et néo-classique abondent; le véritable neuf manque. Mais pour ce qui est de ma symphonie, vous dites même plus que vrai. [in linker marge alternatief: ce que vous dites a le seul avantage d’être plus vrai que vrai.] En fait, en réalité, elle a été conçue et composée en 1919 et 1920. C'est parce qu'aucun chef d'orchestre n'en a voulu, qu’elle était donc strictement inédite, que j'ai pu participer au Concours Reine Elisabeth de Belgique. Ma dernière chance. Dans ces temps déjà lointains (j'avais trente deux ans) ce prélude à la Nouvelle Journée était foncièrement révolutionnaire. Non seulement en ce qui concerne la forme (harmonie, rythme, orchestration) mais surtout en ce qui concerne le fond (mentalité, expression, agencement mélodique, climat psychologique). Quant à la forme, le côté technique, il se peut que ma composition ait été rattrapée (ce serait naturel), mais je n'en suis pas certain.
Qu'elle aurait été rattrapée quant au fond, cela me semble encore moins probable. C'est pourquoi j'ai regretté que votre excellent aperçu ne donne pas une petite indication qui m'informe de votre idée sur le contenu de cette Deuxième Symphonie.
On a empêché mon œuvre de faire son chemin. On l'a enfermée dans un mur de silence. Les uns parce que j'avais été un critique intransigeant, sans compromissions (je le suis encore), les autres parce qu'ils trouvaient la musique trop difficile, inexécutable, trop moderne. Vous comprendrez alors facilement quelle satisfaction intense, quel soulagement salutaire m'ont été procuré par le prix que le jury de Bruxelles a décerné à ma Symphonie. Même en me voyant attribué le douzième j'aurais été plus que content. Vous comprendrez aussi l'admiration, la reconnaissance, le respect que je voue à Monsieur Frantz André et son orchestre, pour avoir mené à un rang fort honorable une œuvre si difficile et depuis longtemps si infortunée.
Elle portait la devise Noctem in diem vertere. Changer la nuit en jour. C'était son destin peut-être de rester silencieuse jusque le jour nouveau puisse enfin se lever. J'en serais heureux pour chacun de nous tous car le grand changement nécessaire aurait commencé.
Veuillez agréer, Monsieur, avec mes meilleurs vœux, l'expression de ma gratitude et l'assurance de mes sentiments les plus dévoués
MV
Vous ferez de cette lettre comme bon vous semble.
concept
Verblijfplaats: Amsterdam, Bijzondere Collecties UvA