MATTHIJS VERMEULEN

Componist, schrijver en denker

19300301 Henry Prunières aan Matthijs Vermeulen

Henry Prunières

aan

Matthijs Vermeulen

Parijs, 1 maart 1930

Paris, le 1e Mars 1930

Mon cher Ami,

Je viens de rentrer d'Espagne tout à fait rétabli et depuis mon retour je m'absorbe dans la contemplation de votre œuvre pour l'édition Lully. J'ai été, en effet, reprendre chez Senart la fin du manuscrit et les épreuves corrigées.

Je dois tout d'abord vous dire combien je suis enthousiaste de votre réalisation. Ce sera, je crois, la première fois depuis que l'on édite des textes anciens, que l'on aura, en France, enfin une réalisation vivante et faite dans l'esprit des compositions de l'auteur. Je ne connais que l'admirable réalisation des basses de Malipiero pour Monteverdi qui puisse mériter cet éloge en dehors de la vôtre.

Ceci dit, je m'excuse beaucoup d'avoir trop laissé dans la vague un certain nombre de points qui vont nous obliger quelques remaniements sur lès épreuves. Vous avez cru, en effet, qu'il était indispensable d'indiquer toutes les nuances de l'interprétation. Or, le caractère essentiellement scientifique de notre publication me paraît interdire absolument les indications de mouvements par trop précis et, plus encore, des nuances de mouvements, comme vous les avez multipliées à chaque mesure. Je suis tout à fait désolé, mais après mûre réflexion et en avoir parlé avec des musicologues, je crois impossible de laisser subsister cette profusion de soufflets, de crescendos, decrescendos etc... qui sont absolument contraires à l'esprit d'une publication comme la nôtre et à ce que j'ai toujours entendu faire.

J'espère, mon cher Ami, que vous ne verrez pas d'inconvénient à supprimer ces nuances qui n'ajoutent rien, à mon avis, à votre interprétation. Il faut supposer le lecteur, capable de souscrire à une édition comme la nôtre, suffisamment cultivé pour interpréter avec intelligence les textes que nous lui donnons. J'ajoute que par un souci de bonne présentation, je tiendrais à ne pas employer les indications de mouvements italiennes, mais celles en usage au XVIIe siècle et qui, comme toute, peuvent suffire: grave, vite, (avec moins vite, plus vite, etc...) lentement, tendrement, gai, etc...

Je me suis permis de porter directement ces corrections sur les épreuves que j'ai en mains et vous serais bien reconnaissant d'en faire autant pour celles que vous avez en ce moment chez vous.

Enfin, je me permets de vous faire une petite observation sur le point suivant: Dans la scène du sacrifice à Mars, vous avez très ingénieusement voulu rappeler la sonnerie initiale dans l'enchaînement de deux parties, mais avez-vous bien réfléchi que cette sonnerie initiale était en C non barré et qu'en la répétant en C barré elle prend une proportion double qui en change absolument le caractère. Le fait se reproduit deux fois. Verriez-vous un inconvénient à ce que je modifie de la façon suivante votre version, ce qui, à mon avis, en altérera très peu le caractère et en laissera subsister le rythme (exemple ci-joint).

L'imprimeur m'a promis que d'ici 8 jours tout serait terminé. Je vous en prie, hâtez-vous de corriger les épreuves car le temps presse.

J'aurais un grand désir que vous continuiez à vous occuper de cette édition pour les opéras car vraiment il est impossible de mieux réaliser les basses que vous l'avez fait. Que penseriez-vous d'un contrat qui, au cas où je viendrais à mourir, ce qui a bien failli m'arriver récemment, constituerait une obligation de la Société vis-à-vis de vous?

Veuillez agréer, mon cher Ami, l'assurance de mes sentiments les plus cordialement dévoués.

H Prunières

Je suis jusqu'à Mardi soir à Villegarches, vous pouvez si vous le désirez m'y téléphoner au n° 59... C'est très rapide de Versailles

Verblijfplaats: Amsterdam, Bijzondere Collecties UvA