Matthijs Vermeulen, baptisé Matheas Christianus Franciscus van der Meulen, est né le 8 février 1888 à Helmond aux Pays-Bas. Fils aîné d'un forgeron, il désira, après l’école primaire, suivre les pas de son père. Un sérieux ennui de santé rendant impossible la pratique de ce métier, il prit toutefois la décision de devenir prêtre. Au séminaire, la découverte du contrepoint des maîtres polyphoniques du 16ème siècle fut pour lui une révélation. Il comprit alors que la musique était sa vraie vocation. Il renonça à son projet sacerdotal et quitta le séminaire.
Au printemps 1907, à l’âge de dix-neuf ans, il s'installa à Amsterdam, centre musical du pays.Il rencontra le directeur du conservatoire, Daniël de Lange (1841-1918). Impressionné par son talent, ce dernier lui donna gratuitement des cours pendant deux ans. En 1909, Vermeulen commença à écrire pour le journal catholique De Tijd où son ton personnel et déterminé le distingua du verbiage des critiques musicaux de l’époque. La qualité de ses articles attira aussi l'attention du compositeur Alphons Diepenbrock (1862-1921) qui recommanda Vermeulen à l'hebdomadaire progressiste De Amsterdammer. C'est dans cette revue que Vermeulen se révéla l’ardent défenseur de la musique de Debussy, de Mahler et de Diepenbrock, qu'il nommera plus tard son maître spirituel.
Au cours des années 1912-1914, Vermeulen composa sa Première Symphonie, Opus 1. Dans cette oeuvre, il utilisa une technique à laquelle il demeura fidèle toute sa vie : la polymélodie. Les textes qu'il choisit en 1917 pour quatre mélodies témoignent de son horreur des violences entraînées par toute guerre. Les éditoriaux du Telegraaf, journal pour lequel il travailla en tant que responsable de la rubrique Arts et Littérature, montrent par ailleurs que pour lui la politique et la culture ne pouvaient être séparées. Il fit régulièrement part de l’indignation que soulevèrent chez lui les actions de l’armée allemande contre la population civile et le patrimoine culturel de la Belgique et de la France du Nord.
Le combat qu'il mena par ses écrits contre l'orientation partisane de la vie musicale hollandaise en faveur de l'Allemagne lui valut de nombreux déboires. C’est ainsi qu’il apprit, un an après avoir présenté sa Première Symphonie à Willem Mengelberg, chef de l’orchestre du Concertgebouw, pour qui il avait une profonde admiration, qu’elle n’avait pas été retenue. Vermeulen comprit alors que ses oeuvres pour orchestre ne seraient pas jouées à Amsterdam. La création de sa symphonie par l'orchestre d'Arnhem en mars 1919 connut de même les pires vicissitudes. Malgré tous ces obstacles, Vermeulen commença peu de temps après à travailler à sa Seconde Symphonie. Un an plus tard, grâce au soutien financier d'un certain nombre de ses amis, il put faire ses adieux au journalisme et se consacrer à la composition.
Après un dernier et vain contact avec Mengelberg, Vermeulen quitta la Hollande en 1921 pour s'installer avec sa famille en France dans l'espoir d'y trouver un climat plus favorable à sa musique. C'est là, à La Celle Saint-Cloud près de Paris, qu'il composa sa Troisième Symphonie, son Trio à cordes et sa Sonate pour violon et piano.
Le monde musical français restant insensible à sa musique, Vermeulen dut se tourner une fois encore vers le journalisme. En 1926, il devint correspondant du Soerabaiasch Handelsblad, journal des Indes orientales hollandaises. Pendant quatorze ans, il écrivit chaque semaine deux articles sur des sujets les plus divers, généralement sans rapport avec la musique.
En 1930, il reprit un peu courage. À l’occasion d’un anniversaire de l’université de Leyde, on lui demanda en effet d’écrire de la musique sur le texte du Vliegende Hollander de Martinus Nijhoff. Neuf ans plus tard, l’exécution de sa Troisième Symphonie par l’Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam sous la direction d’Eduard van Beinum lui donna une nouvelle impulsion. Il put enfin être confronté à la réalité de sa musique et cela lui confirma la validité de son approche. Les titres de sa Quatrième et de sa Cinquième Symphonie, Les victoires et Les lendemains chantants, composées dans les années 1940-1944, prouvent sa confiance dans l'issue favorable de la guerre.
L'automne 1944, fut marquée pour Vermeulen par deux rudes épreuves: le décès, à peu de temps d'écart, de son épouse Anny et de Josquin, son fils le plus cher, résistant et mort au combat. Son journal, Het enige hart (Le cœur unique) retrace de façon émouvante son processus de deuil. À la recherche du sens de la perte de ces êtres chers, Vermeulen en vint à une construction philosophique qu'il développa ensuite dans son livre Het Avontuur van den Geest (1947), paru en 1955 à Paris sous le titre L'Aventure de l'Esprit.
En 1946, Vermeulen épousa Thea Diepenbrock, deuxième fille de son ancien guide spirituel. De retour aux Pays-Bas, il recommença à travailler comme journaliste pour le Groene Amsterdammer, où ses articles sur la musique servirent de référence tant au niveau national qu'international. En 1949, quand sa Quatrième et sa Cinquième Symphonie furent jouées, il fut question de lui mais cette fois comme compositeur.
Le développement de la guerre froide le toucha profondément : La politique comme la société continuaient de le passionner. Il craignit une confrontation nucléaire et s'éleva violement contre la course aux armements dans plusieurs articles. Durant la première grande manifestation en faveur de la paix, il prononça ces mots qui firent date: "La bombe atomique est une arme contre la vie, contre Dieu et contre les hommes."
Lors du Concours de la Reine Elisabeth à Bruxelles en 1953, un prix lui fut décerné pour sa Deuxième Symphonie (1919-1920) - encore jamais exécutée en public. Elle fut jouée en 1956 à Amsterdam dans le cadre du Festival de Hollande. La même année, Vermeulen emménagea avec sa femme et sa fille à Laren où il connut une nouvelle période de créativité. Il composa alors sa Sixième Symphonie, plusieurs mélodies et son Quatuor à cordes. Sa dernière oeuvre, sa Septième Symphonie, Dithyrambes pour les temps à venir, reflète sa confiance inébranlable dans l'humanité. Matthijs Vermeulen s'éteignit le 26 juillet 1967, après une longue et douloureuse maladie.