Donald Van der Meulen
aan
Matthijs Vermeulen
Louveciennes, 17 juli 1949
Louveciennes le 17 Juillet 1949
Cher Miaw, chère Théa, chère Odile,
Je viens de passer quatre jours à la maison à l'occasion du 14 Juillet. Aujourd'hui c'est le quatrième et dernier j'en profite pour vous écrire.
Que c'est beau un peu de vie de famille sans restriction! Quatre jours avec Trudi et Clarisse pleins de soleil de calme reposant – Tout va bien dans notre petit logis. La chaleur a un peu diminué et Trudi s'en trouve beaucoup mieux avec son futur héritier. Le vent souffle le ciel est un peu nuageux et l'odeur de la terre fraîche monte à nos fenêtres. Il a plu cette nuit.
Mais le vent ne souffle plus dans l'arbre immense qui était en face de la fenêtre. Il ne reste plus que le tronc. Les élagueurs sont passés un matin radieux où l'arbre nous avait donné comme pour la dernière fois à notre réveil son image grandiose, illuminée du soleil rougeoyant du matin. Partie cette grande beauté, à nous la lumière subite, la ligne des Arcades s'impose mieux.
J'avais projeté d'aller voir Roland pendant le week-end mais malheureusement la question finance nous l'a interdit – ainsi nous sommes restés à la maison le premier jour. J'ai posé un moustiquaire en fer devant nos deux fenêtres de chambre à coucher et salle à manger car les moustiques étaient devenus notre hantise particulièrement de voir comme ils déformaient la figure de Clarisse c'était affreux. Maintenant avec ce fin grillage l'air est bon et nous sommes tranquilles. Ce fut mon travail que je fis en compagnie de Clarisse bien sûr qui ne déteste pas prendre un marteau ou une clé et tout en chantant à sa façon donne le dernier coup au clou ou à l'écrou comme l'a fait Papa. Une matinée passée avec moi dans le fouillis du bricolage lui plait beaucoup. Nous avons réparé son lit aussi ce qui l'intéresse directement.
Aujourd'hui Clarisse a eu la joie de retrouver une petite amie qu'elle a depuis pas longtemps. Je lui avais rapporté ce jouet, ami, de Paris il y a une semaine pour une somme très modeste (180x). Sachant qu'elle s'y attacherait bien et sachant aussi qu'il n'y avait pas encore l'interdit de Trudi quant à cela, je voulais lui procurer un témoin de son jeune temps, une de ces bornes qu'on revoit avec plaisir plus tard parce qu'on y attache facilement un peu de l'âme. Peut-être à la contempler trouvera-t-elle aussi un exemple d'une sagesse cachée? De toute façon l'expérience a démontré qu'elle s'y attachait. Le premier jour de l'arrivée de son amie, elle fut enchantée et nous lui donnâmes ce nom "Pirli" qui est un mélange voulant dire "petite perle". Le lendemain l'amie Pirli ne se trouvant pas très bien nous lui donnâmes un peu de liberté. Trop. Dans le jardin elle se sauva et plus d'une semaine ne répondit pas à l'appel. Aujourd'hui elle fut retrouvée (par Clovis qui habite en bas) et maintenant elle est sur le rebord de la fenêtre derrière la moustiquaire dans un petit jardin aménagé pour elle.
Pendant la semaine de son absence Clarisse regardant parfois par la fenêtre disait de sa plus belle voix "Pirli! Pirli!" avec une petite tristesse dans les yeux. Qui est donc Pirli?
J'ai reçu ta lettre Miaw. Merci – j'ai tranquillisé. Trudi...
Nous avons pensé à toi hier en écoutant la 3e de Beethoven retransmise du Festival de Hollande. Ça nous a fait plaisir d'entendre ces belles pages. Ça nous a beaucoup plu. Je vous embrasse tous bien fort et vous envoie les bons baisers de Trudi et Clarisse
Donald