René Broussier
aan
Matthijs Vermeulen en Thea Vermeulen-Diepenbrock
Parijs, 15 maart 1957
Paris le 15-3-57
Bien chère Madame
Bien cher Monsieur
J'ai bien revu votre lettre du 15 février passé. Cela avec le plus grand plaisir.
Naturellement je vous excuse − que ce soit Madame qui ait pris la plume − bien au contraire j'en suis charmé. Et naturellement aussi du retard. Mais moi-même je suis impardonnable − j'ai laissé écouler 4 longues semaines avant de rédiger ma réponse.
Je souhaite que vos difficultés s'aplanissent − que votre nouvelle habitation vous soit rieuse et accueillante et que la (6e du nom) symphonie ait une profitable vie.
Merci donc de la réponse à mes questions. Je suis heureux en un sens qu'il n'y ait pas de suite à cette aventure de l'esprit.
Je crois en effet que le P. T de Chardin n'a pas pu dire tout ce qu'il savait.
Toutefois permettez-moi de m'étonner − j'avais d'abord pris monsieur pour une femme peut-être parce que je sentais beaucoup d'expressions féminines dans ses développements. Ensuite je le croyais plus jeune. Je ne sais si j'ai eu l'occasion de vous le dire mais quant à moi je suis âgé d'à peine 24 ans.
Et ceci me donnerait beaucoup d'enuies. La 1ère de poursuivre cette aventure par écrit – la suite logique − si l'on veut ou son développement plus explicite encore avec des arguments plus visuels. La seconde d'avoir avec vous deux un petit tête à tête qui peut-être nous entraînera assez loin. D'ailleurs je ne dis pas que un jour ou l'autre je ne ferais pas un déplacement de ce genre.
Mais restons en là dans ce domaine pour aujourd'hui.
Voyons les faits. Je crois que en effet Gallimard ne pouvait marcher dans une publication de ce genre, il se trouve un peu dépassé. Quant à Renée Lacoste c'est très simple. Il vient d'y avoir une affaire menée Lacoste devant les tribunaux et certains journaux dont ARTS en tête refusent maintenant les annonces de ces éditions. Elle travaille beaucoup dans les éditions à compte d'auteur exploitant habilement d'ailleurs et l'auteur et le vendeur. A ses moments perdus d'ailleurs elle fait en plus de l'agence matrimoniale et des 5 à 7 pour "timides".
Ce qui m'a étonné de voir − parmi ses publications un livre aussi inattendu.
Comment l'ai je trouvé. Disons un hasard bien dirigé − mais y-a-t-il vraiment un hasard. Le mien est trop systématique. Je savais que cela devait m'intéresser. Disons par intuition, très fortement ressentie intérieurement.
Figurez-vous qu'un jour je trouve une idée charmante d'une nouvelle charmante. Déjà je l'écris en mon esprit.
Et puis un hasard bien dirigé une fois encore me fait tomber sur un recueil de nouvelles d'un auteur mort depuis déjà longtemps. Et que lis je − ma nouvelle que je n'avais encore jamais écrite réellement et que je n'avais à ma connaissance jamais lue. De quoi devenir fou? − ou vous faire ouvrir les yeux.
Je n'ai pas de machine à écrire et je crois que je dois prendre sous un bon augure cette appellation de moyenâgeuse en ce qui concerne ma si vilaine écriture.
Je m'excuse de vous infliger ces pénibles exercices. C'est un peu en vertu de cela que j'ait écrite involontairement cette lettre. Je le regrette. J'espère que nous pourrons continuer périodiquement à échanger quelques mots. Et en cette attente en vous remerciant de votre indulgence et de votre attention je vous prie d'agréer mes très sincères salutations
Broussier
Verblijfplaats: Amsterdam, Bijzondere Collecties UvA