Matthijs Vermeulen en Thea Vermeulen-Diepenbrock
aan
Donald en Janine Van der Meulen
Laren, 7 april 1958
Laren (N.H.)
Drift 31
le 7 avril 1958
Mon cher Donald,
Chère Janine et chers enfants,
J'ai compté sur ta patience, et voilà enfin ton tour. Tu penses bien que j'ai eu à répondre à un tas de lettres et de télégrammes lors de mon anniversaire. Mais cette besogne n'a pas été la seule cause de mon long silence. En effet. Aux environs de "ma fête", pendant les dix derniers jours de janvier il s'est développé dans mes deux mains, d'abord dans la droite ensuite aussi dans la gauche, une singulière affection qui m'a donne beaucoup de mal, surtout durant la nuit. La paume commençait à chauffer et en quelques minutes c'était comme si on me passait à travers les mains un fer chauffé à blanc. Cela se répétait à de courts intervalles, m'empêchant presque tout sommeil. C'était une drôle de douleur contre laquelle je ne pouvais rien, ni par les analgésiques, ni par ma volonté. Il n'y avait qu'à supporter ce flux et reflux de brûlure. Avec cela mes dix doigts, quoique ultra-sensibles avaient perdu le sens tactile. Tout ce que je touchais me faisait le même effet, c'est à dire aucun. Pendant la journée je ne souffrais pas, mais je ne pouvais tenir rien sans me causer tout de suite une douleur cuisante. Pour le reste je n'avais rien. Le moral n'avait même pas baissé. Seulement le manque de sommeil diminuait lentement mes forces (aucun soporifique ne pouvait me faire dormir plus longtemps qu'une demi-heure) et je ne sais pas comment j'aurais tenu si cela avait duré une semaine de plus. Pour acquit de conscience j'ai été une fois chez le docteur qui m'a examiné le cœur, la tension etc. Il a trouvé tout en excellent état, mais il n'a pas su me donner le moindre conseil. Et de cela en somme je me félicite. Du moins il ne m'a pas envoyé chez quelque spécialiste. J'ai continué mes petits travaux à la maison, et hier, premier jour de Pâques, j'ai pu commencer à bêcher sérieusement notre jardin, ce qui, il y a quinze jours, n'était pas encore possible. Je considère cela comme un progrès remarquable, et je crois qu'en peu de temps la dernière trace du mal aura disparu.
Malgré cet accident mon anniversaire s'est passé très bien. J'ai eu plusieurs journalistes ici pour m'interviouver, mais personne ne s'est aperçu de quelque chose. Le jour de "ma fête" nous avons eu beaucoup de personnes ici (c'était une espèce de réception) on n'a rien remarqué et tout s'est passé très joyeusement. Je me sentais un peu "absent", un peu automate mais cela ne se voyait pas. Je peux être fort content. La presse a été très convenable, quoique je reste toujours un personnage discuté. Je t'envoie un exemplaire du Groene. Tu en comprendras ce que tu pourras. Mais la photo te fera probablement rire. Je ne me souviens pas de cet évènement sans quelque plaisir, mais non plus sans quelque horreur. Pour rien au monde je ne voudrais que cela recommence. Quoique mon anniversaire a occasionné beaucoup de tracas et de fatigue à Thea, elle s'en est bien tirée et elle n'a pas seulement bien tenu le coup mais aussi l'après-coup. Quant à mon travail musical il s'est poursuivi normalement. Pour la symphonie le terminus est proche, tout proche. J'ai un peu de retard, mais c'est à cause d'un petit recueil d'articles que j'ai dû arranger l'automne passé.
Je me suis un peu étendu sur ces histoires parce qu'elles t'intéresseront peut-être, et aussi pour t'expliquer ce silence inhabituel qui peut t'avoir inquiété. Maintenant toi et les tiens. Je ne m'en sens pas très tranquille non plus. Comment avez-vous passé l'hiver avec toutes ces neiges? Comment va Janine? Et Dominique? Ici l'hiver n'a pas été rude, mais plutôt long et ennyeux avec ces corvées interminables de balayage. Mais dans les Vosges ça doit avoir été bien pire encore. Heureusement c'est fini et j'espère pour le mieux et sans dégâts importants. Envoie nous bientôt de vos nouvelles. J'ai été étonné de ne pas avoir reçu de toi une petite carte de joyeuses Pâques, j'avoue. Je me l'explique mais sans être bien assuré. En ce qui me concerne, moi, dès que mes mains étaient utilisables j'ai employé l'énergie qui me restait, pour écrire des lettres à compte-gouttes et pour m'occuper de ma musique. Tu me le pardonneras en brave fiston! J'en suis à la dernière étape pour la symphonie et elle sera assez difficile je suppose. Elle demandera encore un grand effort intérieur. Odile va très bien. Elle me vient presque aux épaules. Cela a été dur pour elle de ne pas pouvoir lutter avec moi pendant toutes ces semaines! C'est les vacances maintenant. Comme d'habitude elle a eu un très bon rapport à l'école. Elle parle souvent de toi. Elle dorlote sa chatte, dont les amours dans la neige l'ont beaucoup amusée et dont elle attend maintenant les suites, qui ne sont pas encore visibles.
La seule chose qui jusqu'ici nous manque c'est quelques bonnes journées de soleil. Il n'y a encore aucune feuille aux arbres et dans le jardin rien qu'une douzaine de narcisses et de crocus.
C'est midi. Nous avons aujourd'hui la visite de ma sœur Marie. On va chercher des œufs qu'Odile a peints et cachés dans les buissons. Alors à bientôt quelques petits mots de toi. Nous vous embrassons tous avec tout notre cœur, et comme toujours
ton
Miaou
Merci de tes bons vœux du 7-2. Ne te surmène pas!
[in het handschrift van Odilia:]
Bons baisers d'Odile.
[in het handschrift van Thea:]
et de Thea.
Vous n'auriez pas de timbres pour O. de l'Afrique du Nord p. ex.?
Verblijfplaats: Amsterdam, Bijzondere Collecties UvA