MATTHIJS VERMEULEN

Componist, schrijver en denker

19521124 Donald en Gertrude Van der Meulen aan Matthijs Vermeulen

Donald en Gertrude Van der Meulen

aan

Matthijs Vermeulen

Parijs, 24 november 1952

[genoteerd door Thea:] 24-11-52

Cher Miaw, chère Théa chère Odile,

Cette semaine un signe de vous, comme c'est gentil d'avoir pensé à ce jour. Vous devez vous demander un peu ce que nous sommes devenus? Le fait est que je ne vous ai pas inondé de nouvelles. Depuis mon manque de travail vous ne devez pas savoir où nous en sommes. Eh bien pas de nouvelles bonnes nouvelles nous sommes en train, à nouveau, de remonter tout doucement la pente. Lors de ma dernière lettre je crois vous avoir dit que je faisais un remplacement comme comptable dans une maison de plâtres et ciment la vieille maison française Poliet et Chausson dont nous avons vu, Miaw, passer souvent les camions sur la route de ST Germain si tu te souviens! Or après deux mois et demie de Juillet à Septembre cette maison après m'avoir remercié gentiment, m'a rappelé huit jours après pour me proposer un poste fixe dans son administration. J'ai accepté d'emblée car c'est une maison on peut dire très solide, qui donne l'assurance d'un avenir régulier s'il n'est pour le début pas très brillant – Je vous donne en mille ce que je fais en ce moment? gérant de la cantine du personnel du siège social à Paris c'est à dire avec un cuisinier et deux femmes de ménage faire déjeuner tous les jours 150 personnes, acheter les légumes etc. – – Toi Miaw tu dois rire, eh bien mon vieux, voilà un mois que je fais ça et je peux te dire qu'ils sont contents, tu connais mon appétit... je ne pouvais mieux tomber...

Pour ce faire j'ai à ma disposition une de ces nouvelles deux chevaux Citroën dont je suis le chauffeur ce qui me rappelle mes anciens métiers et me met un peu mieux dans l'ambiance. Je pars aux Halles de Paris à 6H du matin. Voilà un univers magnifique pour moi ce brouhaha, cette activité nocturne dans ce vieux Paris que j'aime de plus en plus.

Thys je pense souvent à toi je crois que c'est un côté qui te plairais aussi, sentir tous ces légumes, tous ces fruits, la viande, le poisson. Quelles richesses ne rencontre-t-on pas? L'odeur d'un céleri bien frais, ces belles carottes roses, cette montagne de choux fleur. Et que dire de ces chevreaux qui se rassemblent une dernière fois au pied d'un réverbère gisant les uns sur les autres. Oui, c'est le ventre de Paris, ça grouille et chaque jour autrement.

Vous voyez je ne suis pas mécontent d'avoir fait connaissance de ce nouveau monde pour moi, et puis je vois le travail pour cette communauté d'un très bon œil. La partie comptable m'étant aussi réservée il m'est agréable de constater que je fais aussi prouesses en matière de prix de revient, un juif – un vrai juif! – – je traite les gens mieux et ça leur revient moins cher, que veut le peuple?

Enfin des nouvelles de ma petite famille – tout le monde va bien. Clarisse a commencé l'école et est très contente je vous transmets quelques dessins qu'elle fait pour "papa chéri" Norbert lui continue sa petite vie bien calme dans les jupes de sa mère – Trudi a eu des entêtements avec sa dent de sagesse mais maintenant tout est dans l'ordre après une opération bien menée – Cette semaine nous avons eu trois jours de neige et jeudi tous les trois ont pris la "rodi" (la luge) et fait un tour dans Louveciennes toujours aussi beau par ce temps. Depuis la neige a fondue déjà mais le froid reste quand même à la porte – Avec la voiture nous avons souvent visité Bas-Prunay. La grille des Acacias est mal fermée et le soir nous faisons un petit tour autour du chalet remis complètement à neuf – Le jardin n'a pas changé – Nous avons fait un saut aussi au 224 rue de Rivoli – Miss Bell est morte depuis un an et aurait été ramené à Louveciennes – C'est son cousin qui a hérité des Acacias – Nous nous sommes intéressés à cela car nous voudrions bien mettre nos Pénates dans cette plaine. C'est un vieux rêve peut-être se réalisera-t-il?

Alors je vous quitte en vous embrassant bien fort car je vois que lorsque je recommence à bavarder avec vous je n'aurai jamais fini et Trudi veut un peu de place –

Odile est bien gentille sur les photos parle-t-elle de son frère encore? j'avais bien voulu revenir la voir comme elle me l'avait demandé ce printemps – Ça sera pour l'année prochaine sans doute –

Miaw une bonne accolade en te serrant bien fort

Bons baisers

Donald –

Bien chers tous,

Votre gentille pensée à mon égard m'a fait un très grand plaisir et je vous remercie beaucoup. J'étais aussi contente d'avoir des photos d'Odile. J'espère que vous allez tous bien, et vous embrasse en pensant bien à vous

votre Trudi –