MATTHIJS VERMEULEN

Componist, schrijver en denker

19480630 Donald Van der Meulen aan Matthijs Vermeulen

Donald Van der Meulen

aan

Matthijs Vermeulen

Neuilly-sur-Marne, 30 juni 1948

Hôpital de Ville-Evrard

le 30-6-48

Cher Miaw,

J'ai reçu vendredi dernier ton télégramme m'annonçant que tu as reçu ma lettre. Moi aussi "enfin" j'avais de tes nouvelles! Se réveiller tout à coup dans un autre hôpital où tout vous semble étranger, c'est assez bizarre comme sensation, et c'est pour cela que le départ, la remise en route fut plutôt lente. Un jour avant ton télégramme, Aline était venue pour me remettre dans le sillon de nos domaines communs. Sa visite inattendue m'a fait beaucoup de bien. Parler de toi, de vous, de Louveciennes, d'Anny, ne serait-ce que l'on sent de la famille, ça fait tout de même plus de bien que n'importe quel médicament! Que la place de Trudi est plutôt près de son mari dans ce cas, est une phrase de ta dernière lettre qui ne m'a pas échappé et je trouve que tu as raison. Seulement j'étais, au temps où j'ai donné mon accord dans un état béat où l'on acquiesce au désir de chacun (j'y suis encore, mais pas autant) et donc à plus forte raison, à celui de Trudi. Ce n'était pas un désir pour elle, plutôt ce qu'elle voyait comme une nécessité. Elle croyait ne pas pouvoir y arriver avec Clarisse, sans sa mère. Je peux me représenter son état d'affolement, dans ce pays qui lui semble encore un peu étranger, quand elle ne me sent pas à côté d'elle et que sa mère est si loin. Ç'est la 1ère fois et son âge pardonne tout n'est-ce pas? Pour le moment Clarisse a retrouvé sa ville natale, sa grand-mère, et se porte bien, Trudi a trouvé un emploi dans un magasin français, ce qui la fait vivre. Pour ma part je trouve mon état satisfaisant, et c'est pour moi un gros remords que de laisser travailler Trudi ainsi toute la semaine sauf le Dimanche, de 8 heure et demie du matin à 7h du soir, alors que, subissant un traitement de piqûre le matin, me faisant rester au lit jusqu'à midi, je me prélasse l'après-midi dans le jardin de l'infirmerie ou bien, lorsqu'il pleut et c'est souvent le cas ces derniers jours, dans la salle de "récréation". Enfin il paraît que pour l'instant c'est la meilleure solution. Le jour même où ton télégramme est arrivé, quelques heures après, l'ami de Anny, le père Christian, venait me voir et me remontait le moral dans ce sens, voilà encore une visite inattendue qui me fit beaucoup de bien aussi. Ce fut comme si son visage m'était déjà connu et le contact fut très agréable. Est-ce un souvenir de Voisin1 et du fils à Pommetje? en tout cas mon sang répondait à l'appel. Il me dit qu'il irait te voir le 7 Juillet, ainsi tu pourras le questionner et il te donneras sans doute plus de détails que moi sur ce que j'ai eu car ayant vu les médecins il pourra te donner le côté "académique" de la chose.

Il m'a raconté sur Anny bien des choses que j'avais oubliés telles que ses derniers changements, depuis qu'il l'a connaît, c'est à dire mi-Avril. Son installation a l'air d'être épatante maintenant. Tant mieux. J'ai reçu d'elle une lettre aussi m'annonçant toutes ces bonnes nouvelles et une photo aussi. Elle a déjà envoyé de l'argent à Aline qui a la bonté de bien vouloir gérer mon magot, n'ayant aucun portefeuille, aucun vêtement que je puisse mettre en sûreté. A propos tes paquets seront les bienvenus et je t'en remercie d'avance et te signalerai leur arrivée dans les lettres. Depuis ce traitement j'ai une fringale que le menu de la maison n'arrive pas à atténuer. Si ce n'est pas trop de dérangement pour toi, ce sera donc épatant.

Aline et le père Christian sont revenus ensemble hier dimanche me voir. Bien sûr ce fut une grande joie pour moi. Aline m'apporte pour la 2eme fois un joli bouquet de roses de Louveciennes, ainsi que des friandises. C'est sur l'idée de l'ami d'Anny, que j'ai favorisé cette rencontre qui s'annonce salutaire pour un chacun. Nous avons passé tous trois quelques bonnes heures dans le souvenir, et l'avenir aussi puisque le Père veut bien s'occuper de moi. Il va revenir me voir dans le courant de Juillet. Le jour avant que je ne fasse sa connaissance, j'avais exprimé à Aline, cette nécessité que je ressentais d'entrer en relation avec un prêtre. C'est à dire d'entendre la voix de l'Eglise. Et il arriva le lendemain; ainsi j'étais comblé à point. Il prît cela pour une inquiétude morale, je ne sais encore si cela est exact pour moi c'est le besoin d'avoir des bases solides, pour que le jour où j'aurai cette joie de retrouver Clarisse et Trudi, je puisse remplir mes devoirs de père, mieux encore que je ne l'ai fait jusqu'ici. Le petit cercle de ma famille me suffit pour l'instant....

Enfin mon cadeau du dimanche fut le Saint Evangile que me donna Christian. Et c'est ainsi que le jardin de l'hôpital où règne un majestueux acacia au centre et dont les allées ombragées par de plus jeunes marronniers, nous ont vite fait de nous avoir fait faire le tour, prendra un aspect plus paisible encore avec cette lecture. Déjà de beaux rouge-gorges pas sauvages du tout, s'approchent de nous de sorte que on en distingue le coloris si bien, et qu'ils nous montrent leur confiance et la paix de la nature.

Quelle terrible nouvelle m'as-tu apprise au sujet de Bernard – je n'en reviens pas encore. C'est ce qu'il y a de pénible ici, de vivre avec bien des gens, mais au fond de pas avoir de contacts. Ce pauvre Bernard. Tu ne l'as vu je crois? Triste que je ne puis aller à Noyon. Ce brave Roland était venu me voir à la Salpétrière, heureusement tout va bien maintenant d'après Aline, au point de vue de sa santé.

Chère Théa, je n'ai pas de récentes nouvelles de vous mais je suppose que tout s'est rétabli. Quel jour était ce donc, la dernière fois que je vous ai vue. Je me rappelle ma visite chez vous si bien et Amsterdam avec tant de plaisir mais il y a encore du flou là-dedans. Je vous embrasse bien fort et attends de vous aussi un mot si vous avez le temps.

Cher Miaw je te quitte avec de bons gros baisers et espère t'en raconter plus bientôt de vive voix.

ton Donald.

Une rose et une plume. L'une vient de Louveciennes, l'autre pourrait bien avoir survolé le Trou d'Enfer...

[bijgevoegd een los blaadje met op de ene zijde de twee adressen waarop MV Christian Spanjaard kon worden aangeschreven:]

jusqu'au 12 Juillet –

18 Piet Heinstraat

Aalten – par Arnhem

– Hollande –

à Lyon

96 Rue de Comm. Charcot

Lyon 5e

Rhône

Père Christian SPANJAARD

op de andere zijde noteerde Donald de inhoud van het telegram dat zijn vader hem 'vendredi dernier' [= 25 juni] had gestuurd:

Reçu enfin ta lettre – Enverrai paquets et Anny argent. Courage.

Matthys

Verblijfplaats: Amsterdam, Bijzondere Collecties UvA

  1. Bedoeld is de Rue de Voisins, het vroegere adres van de familie.