MATTHIJS VERMEULEN

Componist, schrijver en denker

19470211 Matthijs Vermeulen aan Anny van der Meulen

Matthijs Vermeulen

aan

Anny van der Meulen

Amsterdam 11 februari 1947

Amsterdam

le 11 Février 1947

330 Heerengracht

Ma chère petite Anny,

Ce matin nous avons reçu ta minuscule lettre de 8. Depuis plusieurs jours déjà nous étions impatients de savoir ce que fut devenu le petit flacon expédié par avion. Heureusement tu as rêvé de moi! (Mais quoi?! On se querellait?!) 157 balles, c'est bigrement cher. Mais pas trop, si le médicament est efficace.

Que vas-tu maintenant faire chez Lia? Je n'en sais encore rien de certain si elle part "pour chez nous". Restes-tu là-bas pendant son absence? Pour veiller les jumeaux?

Sur le même sujet que ton petit mot j'ai reçu il y a une huitaine de jours une lettre de Donald. C'est-à-dire sur la question argent. Faute de temps je n'ai pas encore pu y répondre.

Mais aussi faute de précision. De toute façon et même premièrement toi ou lui devraient m'avoir raconté déjà combien d'argent il faut, et ensuite quand.

Surtout combien. Car si cela ne va pas mal, et même assez bien pour moi, il ne faut pas croire que je nage dans le luxe. Depuis mon arrivée ici je ne me suis pas encore acheté le moindre vêtement par exemple, ni n'en ai acquis, et pourtant j'en aurais bien besoin s'il m'arriverait de vouloir me comporter comme un citoyen un peu ordinaire. C'est pour vous dire que mes moyens de ce côté ne sont pas encore illimités.

Je suppose que par Frank on pourrait s'arranger pour le faire parvenir de l'argent pendant que tu es en France. Je lui en parlerai pendant qu'il est ici, la seconde moitié de ce mois.

Quand tu seras en Autriche je ne pourrai rien t'envoyer par la France. Du moins c'en était ainsi l'été dernier, lorsque Thea s'est renseignée à propos de quelques amis dans le besoin.

Mais nous pourrions nous arranger avec un artiste par exemple qui va d'ici en Autriche, qui laisse ses honoraires à Vienne (en schillings) et que nous payons à Amsterdam en florins. Théa a eu déjà des pourparlers; mais qui n'ont pas encore abouti. En tout cas, cette voie serait assez rare; on ne pourrait pas l'employer fréquemment, ni régulièrement.

Il me semble, pour l'instant, que tu devrais surtout pouvoir compter, pour le proche avenir, sur Donald. Qu'il t'avance l'argent nécessaire, que je lui rembourserai plus tard, quand la situation internationale sera devenue normale, ou plus tôt, avec les moyens de bord, si le pauvre tombe sur un bec de gaz, ce dont Saint Christophe nous garde! Mais sait-on jamais? Une dette chez moi, de moi, cela lui ferait un livret de caisse d'épargne, un compte dans une banque qui ne fait jamais banqueroute, c'est certain, je l'espère du moins!

Je n'ai jamais su ni pu deviner que ton départ pour l'Autriche dépendait des argents que tu recevrais de moi. J'ai toujours cru, qu'une fois là toi, je m'arrangerais avec Donald au fur et à mesures des besoins et des possibilités de transport.

Alors parle clairement, avec des chiffres, des dates et tout.

Fais-moi aussi le plaisir d'envoyer cette lettre à Donald. Je ne serai pas obligé de lui écrire les mêmes choses, et ce qu'elle contient lui arrivera plus vite. Car les lettres d'ici mettent environ quinze jours.

Quand on a une vie intérieure (et on peut l'avoir partout et en toute circonstance) on ne moisit jamais et nulle part.

Voilà, ma mignonne, pour la morale et pour ton édification!

Sois sûre que nous ferons (Théa encore bien plus que moi!) ce que nous pourrons. Mais c'est très difficile d'expédier de l'argent.

Avec ça nous t'embrassons de tout cœur car nous t'aimons bien.

Théa et Thys

Merci de tes félicitations!

Remercie aussi Roland et Marcelle

Votre carte est arrivée avec une belle avance.

Ici depuis des semaines froid, vent glacial, neige.

Verblijfplaats: Amsterdam, Bijzondere Collecties UvA