MATTHIJS VERMEULEN

Componist, schrijver en denker

19461016 Donald Van der Meulen aan Matthijs Vermeulen en Thea Vermeulen-Diepenbrock

Donald Van der Meulen

aan

Matthijs Vermeulen en Thea Vermeulen-Diepenbrock

Wenen, 16 oktober 1946

Vienne le 16-10-46

Cher Thys,

Il y a déjà pas mal de temps que j'ai reçu ta lettre du 26 Septembre. Aujourd'hui seulement j'y réponds pardonne-moi cette longue absence dont tu m'as pas dû t'apercevoir. J'ai eu des ennuis ces derniers temps qui me faisait penser à toi sans pouvoir t'écrire. A cause d'une moto achetée illégalement dont je me servais pour faire mon service. Grande nouvelle qui réjouira beaucoup d'oreilles: mon "bec" le fameux "bec" prédit par mes aïeux une centaine de fois, je l'ai rencontré, le commissaire de police aussi! L'histoire se répète. Mêmes scènes. J'ai essayé de paraître plus âgé qu'il y a six ans. Ça ne m'a pas réussi. Enfin l'histoire s'est démêlée très bien au moment où j'ai compris la 2me leçon de ma vie de ce genre. Cette petite incartade devait me coûter le renvoi en France que j'aurais accepté avec plaisir seulement un contre ordre me laisse encore dans l'inconnu pour le moment. J'aurais accepté ce retour avec pas mal de joie, car ici c'est le royaume de la faim. C'est ainsi que petit à petit je me suis permis d'apaiser ma faim avec les colis que tu m'as envoyés tout en calmant ma conscience avec la promesse de rendre cela à ton Docteur d'une façon ou d'une autre. Tu me pardonneras, mais ma misère est grande. J'accepte avec joie de faire l'intermédiaire entre ce Docteur et toi par le truchement d'Anny ou de Roland si tu veux les paquets peuvent ainsi arriver en Autriche? J'ai été voir les Doleschal il y a quelques semaines. De braves gens qui n'ont que de beaux et bons souvenirs de Théa. Chaque mot à son adresse est une louange. Je vous transmets leurs tendres salutations et leur félicitations émues pour votre union dont la nouvelle leur a crée beaucoup de joie. Tout les membres de la famille vont bien même le fils revenu de captivité, qui s'est empressé de reconnaître sa paternité au sujet d'un beau petit bambin dont il avait oublié la possibilité d'existence.

Les conseils concernant Gertrude et la langue à parler entre nous sont épatants. Je suis tout à fait de ton avis. Ma bien-aimée coquine se porte bien et t'envoie ses meilleurs baisers. Nous vivons très agréablement ensemble les heures que nous trouvons de libres. Moi mon travail qui me prend 8 h. par jour avec quelques coupures que je peux y faire, elle, ses études pour lesquelles je pousse avec plaisir à la roue. Les leçons de latin me rappelle[nt] le doux souvenir d'un père patient expliquant la syntaxe à son potache de fils. Sur mes demandes Gertrude a abandonné ses leçons privées de piano pour entrer au Conservatoire où elle reçoit un enseignement beaucoup plus rationnel. Dans la nouvelle chambre que j'occupe à Vienne qui n'est pas loin de l'Opéra, j'ai le plaisir de posséder momentanément un beau piano ¼ queue. Aussi Gertrude vient-elle s'exercer chez moi. Bientôt la chambre sera chauffé et ce sera beaucoup plus agréable que chez elle. La misère du bois et du charbon est toujours aussi grande. Il fait déjà un joli froid et les maisons sont désagréables sans feu.

J'espère rentrer en France au début de l'année prochaine avec Gertrude. Je me suis arrangé avec Roland pour occuper la moitié de sa grande bâtisse. Ce sera donc à Noyon que le noyau de la famille Van der Meulen va se reconstituer (le jeu de moto vient de me sauter aux yeux). J'ai de bonnes nouvelles d'Anny que j'ai encouragée à reprendre cette vie. Elle est déjà très heureuse d'avoir repris contact plus étroit avec son Cher chéri.

Mon cher Miaw, j'ai été heureux de lire les lignes sur ton installation, ta vie. Quand le bâtiment va, tout va…1 n'as-tu pas pensé à ce refrain, vieux marin? Je t'espère toujours en bonne santé et t'envoie les meilleurs baisers d'un fils qui pense souvent à son père

Donald.

Chère Théa,

Je pense aussi souvent à vous et vous demande tout spécialement de faire répondre à ma lettre (tout de suite!) Je vous embrasse bien fort en vous transmettant encore les bonjours de tous vos amis Doleschal qui pensent et prient beaucoup pour vous

Donald

Verblijfplaats: Amsterdam, Bijzondere Collecties UvA

  1. 'Quand le bâtiment va, tout va' is een verbastering van de zin 'Vous le savez, à Paris, lorsque le bâtiment va, tout profite de son activité', uitgesproken tijdens een discussie in de Assemblée nationale op 7 mei 1850 door Martin Nadaud, gedeputeerde van de Creuse. Hij maakte zich sterk voor de belangen van de metselaars uit deze streek. Later werd de uitroep het refrein van een lied.