MATTHIJS VERMEULEN

Componist, schrijver en denker

19641115 Donald Van der Meulen aan Matthijs Vermeulen

Donald Van der Meulen

aan

Matthijs Vermeulen

Parijs, 15 november 1964

Paris le 15/11/64

Cher Thys Chère Théa,

Chère Odile,

Un mot rapide pour vous remercier du joli colis le mois dernier (le pull avec des gants) et ne pas vous laisser sans nouvelles.

Alors Miaw, le mois de septembre s'est passé sans que tu me vois débarquer. Novembre est bientôt passé aussi donc ce ne sera sans doute pas pour cette année. Nous avons passé de mauvaises vacances tous les deux Janine et moi que nous avons prolongé jusqu'au 15 septembre. Janine a repris à mi-temps son travail elle suit un traitement. Après l'opération de l'année dernière le champ est un peu trop faible. Elle a besoin de reprendre beaucoup de forces pour éviter les histoires microbiennes comme cet été - Je suis passé infirmier de Madame - Je fais les piqures dans les fesses de Madame... Maintenant cela va mieux. Elle reprend. Si seulement nous pouvions prendre des vacances à la montagne cet hiver. Pour moi ça va mieux aussi. Ce n'était rien de grave d'ailleurs. Mais à force de travailler j'ai repris mon entrain.

Je suis heureux de retarder de vingt ans dans mes lectures, ce que me permet la configuration actuelle de la société: pour deux francs, c'est à dire vingt minutes de travail pour moi, je peux acheter un livre de poche qui me dure une semaine en lisant dans le métro matin et soir et un peu au café de midi. Je lis toujours lentement. Aussi je viens de lire "Vers une armée de métier" que j'ai dévoré comme "policier" (genre que je lis rarement...) J'ai lu aussi les mémoires du général De Gaulle avec beaucoup de passion. Revoir ces années là de notre vie à travers le rideau déchiré me procure une profonde joie et plus je suis satisfait de l'évolution politique de la France du Général. Que le Miaw que j'ai connu, le Miaw de la Bicoque le Miaw créateur de Josquin, serait content de voir où la France est arrivée! Lorsque je le vois en but tant de critique à l'intérieur, j'en viens à regretter qu'un tel homme n'ait plus le bonheur d'avoir en ta plume un défenseur aussi ardent qu'averti. Je regrette et je rêve de te voir défendre cette Europe qu'il voudrait réaliser. Mais enfin tu l'as défendu à ton heure et c'est déjà bien. Pourrais-tu retrouver l'article sur "l'Armée de métier" que tu as fait avant guerre? Cela me passionnerait. Je serais foutu d'apprendre le hollandais rien que pour le pénétrer.

Quand on voit la pauvreté du journalisme actuel en France il me vient une nostalgie de cette flamme que tu entretenais jadis, à croire que je l'ai vécue et partagée, et un immense désir de la poursuivre entre en moi. Si j'en avais la capacité, la possibilité, c'est à la défense de cet homme que je me consacrerais.

Alors Miaw, je vais te souhaiter une bonne fin d'année avec encore un bel automne. Ici nous le trouvons bien beau aux abords du Trou d'Enfer où nous sommes allés il y a peu de temps faire une causette avec Hertault. Le fermier dont tu te rappelles certainement. Il est bien conservé ainsi que sa femme. Leurs enfants sont grands et mariés. Ils t'envoient un bonjour bien cordial. Nous avons parlé de toi bien sûr - ils se souvenaient bien de toi.

Dans cette enceinte interdite maintenant au public, rien n'a changé de la plaine sauf la culture - Plus de blé et céréales rien que de l'élevage pour la viande.

Lorsque nous sommes arrivés un dimanche après-midi ils regardaient la télévision en famille. Pour moi Parisien il est bien agréable d'entrer dans cet îlot de silence, au nom d'une vieille connaissance, et de marcher comme nous l'avons fait contre le vent qui souffle de ST Germain et qui vous gèle l'oreille droite. Sans cette connaissance je serais condamné à subir le flot des automobiles, le bruit, les fumées sur les chemins dangereux des environs. Merci au passé de nous laisser quelques brèches à travers lesquelles on retrouve le bonheur perdu. Je t'embrasse bien

Donald.

Verblijfplaats: Amsterdam, Bijzondere Collecties UvA