MATTHIJS VERMEULEN

Componist, schrijver en denker

19560819 Henri-Jean Omez aan Thea Vermeulen-Diepenbrock

Henri-Jean Omez

aan

Thea Vermeulen-Diepenbrock

Parijs, 19 augustus 1956

Paris, le 19 Août 1956.

Chère Madame Vermeulen.

C'est hier seulement que j'ai eu entre les mains votre lettre et l'ouvrage que vous avez eu l'amabilité de m'adresser.

Bien sûr que je ne vous ai pas oubliée, ni vous, ni votre sœur, ni cette atmosphère familiale de nos rencontres à "Moyse & Aaron".

Je dois partir d'ici peu pour l'Algérie où je prêcherai les Retraites sacerdotales destinées au Clergé de l'Oranais, mais j'ai voulu prendre connaissance immédiatement de l'ouvrage de votre mari. A vrai dire je préférerais lui parler de vive voix... C'est impossible, vous m'excuserez près de lui. Je vous donnerai ma pensée en toute franchise fraternelle.

Le thème choisi est évidemment d'un intérêt capital mais d'une ampleur illimitée. Nos moyens d'investigation, par contre, demeurent extrêmement limités. Nous ne savons pas ce qu'est le "TEMPS" ce qu'est l'"ESPACE", la valeur de nos données sensorielles, et nous ignorons le nombre même de nos sens. Les études parapsychiques nous invitent à beaucoup de prudence. L'interprétation des "croyances" est elle-même infiniment délicate et surtout quand il s'agit de peuples dont la psychologie est extrêmement différente de la nôtre.

Delà une grande méfiance à l'égard des synthèses d'une portée universelle.

Et puis, il y a les études d'hommes comme Julian HUXLEY "L'HOMME CET ETRE UNIQUE" ou du P. TEILHARD de CHARDIN "LE PHENOMENE HUMAIN" qui ont retenu l'attention et qui rendent le public très exigeant. Leur succéder n'est pas facile.

Il y a aussi autre chose: le style, le vocabulaire, l'adaptation au climat intellectuel français. Je ne sais pas si l'ouvrage a été écrit en français ou s'il a été traduit mais je me vois obligé de vous dire que la formulation, du point de vue stylistique, est, pour le français d'aujourd'hui, très défavorable: Une surabondance de qualificatifs, à l'égard de quoi le français est très en méfiance, un grand nombre de termes qui sont étrangers au vocabulaire officiellement admis ou tombés tout à fait en désuétude. Il est certain que cela nuit beaucoup à l'attention qu'il faudrait retenir et à la sympathie qu'il faudrait favoriser.

J'ai voulu vous parler "en ami". Quel dommage que quelqu'un de vos amis français ne vous ait pas mis en garde contre les susceptibilités du public français si vraiment vous souhaitiez que l'ouvrage l'atteigne et provoque un mouvement d'intérêt.

Au total l'ouvrage traduit pour nous une pensée qui ne peut se réclamer, bien entendu, d'une démonstration scientifique, dans le sens rigoureux de ce mot, qui relève plutôt d'une inspiration philosophique dans le sens platonicien de ce terme. Ce n'est pas un mince éloge... mais nous vivons dans un monde bien peu ouvert à cette manière et qui prétend se réclamer, même quand il la viole, d'une méthodologie qui est celle du doute et d'une science à la fois très prétentieuse et toujours inquiète que traduit, pour une part, l'existentialisme contemporain.

Je reste très sensible à la confiance que témoigne votre geste. Ne voyez en ces quelques réflexions que l'expression d'une vive amitié et d'une simplicité toute fraternelle. Dans un mois en Algérie… j'aurai à affronter d'autres problèmes qui ne sont guère plus faciles même sur le plan de notre charité universelle. Le témoignage du sang en serait sans doute la plus efficace manifestation.

Dites à votre mari combien je désire le rencontrer et lui témoigner ma profonde sympathie. Si vous passez par Paris… faites moi l'amitié de me le faire savoir. Je serais si heureux renouer de les bonnes relations d'autrefois. Dites à votre famille mes vœux les meilleurs et croyez à ma pensée fidèle et toute dévouée.

Henri-Jean Omez.

Excusez cette lettre écrite trop hâtivement, à mon grand regret.

Verblijfplaats: Amsterdam, Bijzondere Collecties UvA