MATTHIJS VERMEULEN

Componist, schrijver en denker

19531221 Donald Van der Meulen aan Matthijs Vermeulen

Donald Van der Meulen

aan

Matthijs Vermeulen

Châteaubleau, 21 december 1953

Chateaubleau

le 21/12/53 –

Cher Miaw, chère Théa, chère Odile,

Merci de ta lettre du 16, voici tout juste ma réponse pour vous souhaites un bon Noël. Et puis mes félicitations pour la "Deuxième" cette annonce m'a fait bien plaisir et j'en m'en réjouis très profondément. Je tiens très mal mon stylo en ce moment j'ai une crevasse au pouce. C'est dommage j'ai de quoi vous écrire jusqu'à minuit (il est neuf heures...) mais ce n'est pas perdu...

D'abord cette nouvelle adresse. Je suis ici en [onleesbaar woord] dans 2 grandes maisons dont l'une m'abrite et l'autre a besoin de mes soins. C'est le patrimoine "Moureau". Un mur s'effondre en même temps que le toit alors je fais le réparateur puisque je n'ai pas encore de travail. De ce côté là c'est encore difficile. Mais n'est-ce pas du bon travail aussi que de refaire des choses qui s'écroulent. Les entrepreneurs sont si chers aujourd'hui. Si ce n'est pas "liquéfié" de suite, cela le sera un jour et le présent a ses nécessités.

Première chose importante: quelques jours avant de me retirer ici j'ai joint le vendredi 11 à onze heures, mon frère Roland par un beau matin ensoleillé d'automne dans la fraîche Vendée. En même temps mes baisers je lui ai transmis le calumet de paix sous forme d'une petite pipe et un paquet de tabac comme cadeau d'anniversaire [–] j'étais en retard mais ça lui a fait plaisir. C'était une surprise, évidemment je n'avais pas averti – La voiture de Janine m'a permis de faire ce voyage impromptu, décidé à onze heures du soir tout seul départ à minuit. C'était le soir où je t'ai envoyé ma lettre. Fofo m'avait demandé d'aller le voir. J'ai d'abord mis ta lettre et puis j'ai pris le chemin de la Vendée – Je suis resté une demi-heure là-bas. Un quart d'heure environ avec Roland sur son chantier où il creusait un puits. Il eut plusieurs minutes pour me parler de Fofo. Son bonheur est de voir son fils lui ressembler.

J'ai rarement été mu par un ressort aussi inconnu que celui qui me poussait cette nuit là. Rouler toute une nuit une matinée, rester une demi-heure et repartir de suite avec une satisfaction intérieure évidente, quoique harcelé extérieurement par un remords. <verso: le remords d'avoir fait une dépense qui se présentait très mal en ce moment étant donné ma situation –> J'ai vu Marcelle et Philippe qui est un gentil garçon. Marcelle a l'air en assez bon état malgré l'opération qu'elle doit subir bientôt.

Revenons un peu à ma présence ici. J'y suis depuis le 15. C'est un petit village perdu en Seine et Marne où l'hiver y est assez doux et beau, propice aux travaux de maçonnerie auxquels je me livre. J'y suis pour trois semaines donc, si vous m'écrivez l'adresse serait chez Mme Moureau à CHATEAUBLEAU par LACROIX en BRIE Seine et Marne. Entre temps mon stylo m'a lâché avant que je ne le lâche et ayant fait toute la maison je n'ai trouvé que des bouts de crayon pour continuer –

Ta lettre, Miaw m'a fait beaucoup de plaisir et beaucoup de joie à Janine. Nous sommes très heureux des sentiments et des vœux que notre amour éveille en vous. J'ai fait une pénétration du sens familial depuis cette année et me réjouis beaucoup de ce que j'ai appris. Je tiens beaucoup à votre bénédiction.

Aujourd'hui 22 décembre je pourrais en effet faire un bilan de l'année – Il y a matière à tant de pages et pour ne pas me plaindre trop de temps je veux seulement t'en donner la ligne. Toute investigation, toute étude, tout accroissement ne tend qu'à une chose: arriver à Toi, Miaw. Ce désir, cette certitude n'est d'ailleurs pas très ancienne deux, trois mois au plus. D'anciennes convergentes dont j'aperçois enfin le point de réunion. Le chemin est encore long, mais le but est si beau que la patience est à la base de mon espoir. Le temps où nous pourrons parler ensemble de cela viendra plus tôt que je ne le veuille sans doute – Sache que je veux que tu puisses compter sur ton Fils.

Mon Père, en cette veille de Noël laisse-moi te dire que je t'aime et que ma pensée te suit. Je crois pas pouvoir t'offrir quelque chose cette année.

Embrasse bien Odile et Thea pour moi et dis leur que je pense aussi à elles –

Donald.

P.S. Je vois Onnen de temps en temps pour lui demander des tuyaux sur la Radio-Française dans laquelle je pourrais tenter d'entrer – Il a plutôt l'air couyemoll. L'article sur Krips est arrivé précisément un jour où j'étais chez eux c'est pour cela qu'il me l'a traduit – sans autre intention –