MATTHIJS VERMEULEN

Componist, schrijver en denker

19490920 Donald Van der Meulen aan Matthijs Vermeulen

Donald Van der Meulen

aan

Matthijs Vermeulen

Parijs, 20 september 1949

Paris le 20 septembre 1949

Cher Thys, chère Théa, chère Odile,

Quel beau sentiment de revoir sur ta carte ces maisons près de la tienne! La façon directe par laquelle cette carte nous a touché est surprenante. Je ne me suis jamais tant extasié sur une carte. Si je reconnais! Une semaine nous semblait courte et pourtant combien de choses se sont ancrées dans nos cœurs pendant ce temps – Chacun de nous trois reconnaît ces gentilles silhouettes de vieilles maisons dans ton voisinage – Et Clarisse sans plus hésiter commence à parler du O'papa à la vue de l'eau au bord de laquelle est [lees: elle] jouait si bien. On voit que dans son petit cœur elle se souvient aussi – Dimanche après lui avoir donné son bain le matin je suis allé en course avec elle chez le boucher à Voisin. En revenant nous sommes passés devant la maison sur l'avenue ST Martin. (cette maison dont j'avais revu le piano droit de Fofo quelques heures auparavant en écoutant une chaconne de Haendel – revu l'ébène du piano mais surtout "ressenti" de mon petit lit dans le coin où je me trouvais l'atmosphère douce d'après-midi de début d'hiver bien tranquille dans mon lit je contemplais tantôt Fofo, qui au piano me tournait le dos, tantôt la fenêtre où la place qui me paraissait si grande, s'étendait déserte – je goûtais ainsi et la bonne chaleur et la belle musique...) Passant, donc devant cette maison dont Clarisse ignorait et ignore encore les beaux souvenirs, la vue du pont l'intéressa beaucoup plus. Elle y courut en criant "a Wasser! – a Wasser!" Elle croyait fermement que, comme chez O'papa (j'allais écrire eau-papa au fond ça conviendrait peut-être mieux!...) il y a de l'eau sous tous les ponts. Désappointée elle contempla les rails du train. Je lui expliquai que parfois il passe beaucoup d'eau sous le pont et parfois pas du tout...

Samedi j'ai reçu des nouvelles d'Anny en réponse à notre carte d'anniversaire – Notre photo du Dam lui a bien plu. Sa lettre était accompagnée d'un beau paquet plein de couches pour son futur "neveu" ce qui a fait la joie de Trudi en particulier. Voilà le nouveau né assuré dans les moindres détails – Le berceau prêté par une amie d'Aline est prêt et brillant toutes les initiales MV, restes de la Bicoque, sont cousues sur chaque pièce de linge, enfin on peut passer la revue.

Trudi va bien, elle est impatiente de voir la fin, mais la redoute tout de même un peu –

Nous passons en attendant de paisibles samedis et dimanches dans la joie de cette attente – "Chacun nous faisons un peu pour qu'il" est tout ce qu'il lui faut. Pendant que Trudi coud pour lui je me repose de temps en temps en écoutant la radio. Une fois ce fut la BBC. Vint le gong de la victoire. Je dis à Clarisse: "Écoute! Beethoven, tu entends comment il fait Beethoven?" Avec son petit doigt en l'air et ses grands yeux elle écoutait. Quelques jours après je lui demandait "comment fait Beethoven?" Réfléchissant moins que pour le pigeon elle dit triomphalement "Pim, Pim, Pim, Pam!" en prolongeant bien la dernière. Pour la récompenser je lui fis les variations attenantes...

Hier je ne l'ai pas vue éveillée. Le soir elle dormait déjà et ce matin je n'ai eu à travers ses barreaux que sa main endormie à baiser avant mon départ de la maison.

[in de hand van Trudi:]

Cher Thys, chère Théa, chère Odile c'est moi qui continue la lettre pour la terminer; j'y joins des gros baisers de Donald pour vous trois. Mon Doudi est rentré hier soir avec la grippe et il est aujourd'hui au lit. La fièvre est tombée et ça va déjà mieux. Moi je suis bien et Clarisse aussi. Nous avons regardé longtemps la carte que vous nous avez envoyée. C'est un petit morceau d'un beau souvenir.

Aujourd'hui c'est le premier jour d'automne. Il fait beau à Louveciennes cette après-midi. Doudi voulait aller se promener. Il pensait aux ballades que vous faisiez autrefois à cette époque. Il aurait bien voulu se retremper dans cette atmosphère dont le souvenir le rendait heureux. Mais je l'ai vite remis au lit.

Embrassez bien Odile pour moi et recevez nos bons baisers ainsi que ce de Clarisse

Trudi