MATTHIJS VERMEULEN

Componist, schrijver en denker

19490908 Donald Van der Meulen aan Matthijs Vermeulen

Donald Van der Meulen

aan

Matthijs Vermeulen

Parijs, 8 september 1949

Paris le 9-8-49 [moet zijn: 8-9]

Cher Thys, chère Théa

chère Odile,

Bravo! pour toi petite sœur pour ta première étape! S'asseoir c'est une des choses les plus importantes dans la vie!

Hier soir nous avons reçu ta lettre la première depuis notre retour. Merci beaucoup pour tout.

Oui, Roland m'a déjà fixé. Il trouve que c'est impossible pour le moment et qu'il faut que "je chasse cette idée de ma tête". Ça m'a déçu bien sûr mais je comprends au fond sa situation puisqu'il me l'a maintenant expliqué, d'une façon un peu autre que de vive-voix lorsqu'il est venu chez moi mais à laquelle je me plie très bien. Tes conseils quant à nos rapports sont très bons je les reconnais et les suis autant que je peux et que j'aurais pu si le cas s'était présenté. C'est peut-être seulement dans cet esprit que tu sous-entends que j'ai fait cette proposition. J'y attendais un rendement matériel bien sûr, la vie l'oblige, mais plus encore je voyais une occasion de remettre les choses dans la norme, puisqu'il faut le reconnaître l'année passée elles s'en sont écartées et combien malheureusement. Tu me demandes si Roland a "compris" à ce sujet. Peut-être, je ne le sais pas exactement du moins il a "senti" peut-être pas à fond comme semblerait le prouver cette réponse à mon appel. Pour ma part dès mon réveil de cette sorte de métamorphose que subit mon esprit l'an passé, j'ai senti, j'ai "compris" la grave faute commune et dès cet instant j'ai travaillé à la réparer si s'était possible, du moins à en éviter d'autres. Que lui, refuse un terrain où dans son for intérieur il doit redouter d'en trouver, que moi je veuille l'abonder avec toute la délicatesse et l'humilité possible est-ce sagesse de sa part dans "sa" décision d'abandonner ce terrain? Je le souhaite et m'en tiens là.

Et voilà aujourd'hui quinze jours que nous vous avons quittés! Tu n'as pas eu tort sur le marchepied du train de me dire "Courage"! Je me suis rappelé souvent ce mot sur le chemin du travail. Il me semblait étrange en ce vendredi matin, pourtant depuis il résonne encore et toujours judicieusement.

Théa, je vous verrai longtemps encore devant le 330, de l'autre côté du gracht au moment où nous passions avec le taxi. L'image était si belle dans ce soleil matinal. Peut-on faire un au-revoir dans une ville d'une façon plus belle qu'à Amsterdam? Tu reprochais, Thys, à ton chauffeur de faire des détours? Je trouve la façon qu'il a eue de repasser sur l'autre bord en face de ta maison très heureuse... J'ai vu ce matin de l'eau ensoleillée aussi: la Seine au pont de Bougival que c'était beau cette brume grisâtre à quelques centimètres de l'eau une petite couche seulement, ondulante tortillée à la façon de bouts d'ouate légère dressée par le vent. Le fond vert des arbres et de la rive opposée faisait un contraste si invitant! De plus loin, alors qu'apparemment impassible, je continuais de pédaler, on aurait cru la Seine gelée: un tapis gris comme de la glace d'eau sale recouvrait le tout. S'il avait fait froid je l'aurais juré mais il ne faisait que frais. Et je m'en allais gaillardement au travail en pensant à vous.

Clarisse pense aussi à vous. Trudi faisant ses préparatifs, Clarisse voit les petits vestes de laine, les chaussettes bleues et pour elle tout est pour "bébé Didile" et on voit alors dans ses diversions presque incompréhensibles qu'elle pense à O'papa, Théa et à nos promenades de l'après-midi.

Après notre retour Clarisse avait gardé quelque grain de son humeur détestable d'enfant gâté. C'est seulement hier soir que tout l'avait quitté et ses traits d'humeur et ses indispositions physiques bénignes pourtant gênantes que j'attribue à ces transplantations successives. Hier soir elle avait de nouveau son petit visage rose et aimant pour son papa et sa maman – Elle attend de nouveau ma rentrée le soir avec un sourire! Trudi va bien, quoique fatiguée. Nous attendons la maman pour le 1er Octobre.

Vous voyez ma lettre à vous ce matin m'a "bouchée" ma matinée! La cloche sonne au revoir!

Je vous embrasse bien fort tous trois et vous joins les baisers de Trudi et Clarisse

Donald.

Peux-tu mettre un coupon réponse de temps en temps. Ce mois-ci ça m'aidera...