MATTHIJS VERMEULEN

Matthijs Vermeulen

aan

Donald Van der Meulen

Amsterdam, 21 juni 1949

Amsterdam

Heerengracht 330

le 21 juin 1949

Mon cher Donald,

Mes chères Trudi et Clarisse,

C'est une belle et fort touchante surprise que tu m'as faite samedi-matin par l'arrivée de la photo de Clarisse. Voilà vraiment une jolie merveille, aussi réelle et réaliste que poétique. Si je ne me trompe pas, ces hautes herbes (dont une comme artistement brodée sur sa jupe) et ce mur ébréché dans le fond doivent se trouver quelque part sur la Route de Versailles. Tous mes compliments, et autant de Thea, à Trudi, qui a parmi et malgré tant de soucis et de difficultés façonné le jeune chef-d'œuvre de vie et de grâce. Cette Clarisse, avant d'avoir accompli sa deuxième année, est déjà une belle et bonne petite-femme avec toute la tranquille et sage conscience, avec tout le charme de la femme. C'est incroyable comme elle a l'élégance innée. Elle doit cela pour une part sûrement à Fofo, pour l'autre part certainement au "Wiener Blut"! Thea dit qu'elle a les yeux et le regard de Fofo. Ça se pourrait, mais je ne le vois pas encore si bien. En tout cas elle a le regard très intelligent, très entendu, très attentif et scrutateur, un regard aimant mais qui ne se laissera pas tromper. J'en suis entièrement content. C'est réussi!

Je pense aussi qu'elle ne restera pas en si bon chemin entre Paris et Amsterdam. Mais tu ne feras pas le voyage en vélo et remorque, même si un tour pareil a de l'attrait pour toi. Il faut que cela se fasse en Pulman, si possible! Un peu moinsse à la rigueur, mais pas beaucoup! Tu t'arrangeras à une date que nous conviendrons encore, pour prendre le train. Ou l'avion si tu peux. Mais pas la bicyclette avec ses fatigues crevantes pour vous trois. Quand commencent exactement tes vacances? T'ai-je déjà écrit que nous pourrons vous loger maintenant? Depuis le mois de mai nous avons deux chambres de plus dans notre maison. Une pour Odile, quand elle sera un peu plus grande. Une autre pour sa couturière dont elle va avoir besoin! On doit toujours penser à l'avenir, et le plus loin possible.

On verra ça quand le "Holland-Festival" sera terminé. Au concert que tu as écouté par Radio nous fûmes en effet dans la salle. Par contre, il ne se passera pas au Concertgebouw mais au Casino de Scheveningue, ville d'eau au bord de la mer. Cela ne valait pas la peine; musique médiocre; temps froid de novembre. Mais l'ambiance était agréable et notre soleil intérieur a fait le reste, le surplus qui est nécessaire.

Je ne sais pas encore si ma symphonie sera jouée avant "les vacances", ou si elle sera différée aux calendes grecques. J'ai fait un article là-dessus que "mon" chef d'orchestre doit avaler, mais qui ne pourra lui plaire qu'à moitié. Je n'en connais pas encore l'effet. Je vais mon chemin, aussi droit que je peux, et je ne me laisse pas "turlupiner". Cela ne étonnera pas. A nous la victoire. Mais sois toujours excessivement prudent, je t'en prie.

J'ai mis ta Clarisse dans mon Larousse, pas loin de la photo que tu as faite de moi, penché sur mon Pleyel et la pipe à la bouche. De toutes mes images celle-là me plait encore le mieux. Ne pourrais-tu pas m'en faire tirer quelques exemplaires et me les envoyer? Les meilleurs photographes sont en général des imbéciles. Mais celle que tu as prise ce soir-là était vraie, et aussi celle de Clarisse.

Au revoir donc dans peu de temps. Embrasse de notre part ta Trudi, et avec autant de reconnaissance, de gratitude que tu pourras. Dans toutes les tribulations qu'elle a subies, elle a été extrêmement bien et je n'apprécie pas seulement cela, je l'admire. C'est dangereux de le dire. Mais ta Trudi est bien. Je suis sûr qu'elle saura rester comme elle est: une femme aimante, exemplaire et simple comme bonjour. Je l'aime et je l'apprécie beaucoup.

Toi aussi, mon cher Donald, nous t'embrassons avec ce sentiment de bonheur qu'éprouvent dans l'affection et dans le bonheur

Votre

Thea et Matthys

Verblijfplaats: Amsterdam, Bijzondere Collecties UvA