MATTHIJS VERMEULEN

Donald Van der Meulen

aan

Matthijs Vermeulen

Parijs, 13 juni 1949

Paris le 13-7-49 [moet zijn: 13-6]

Cher Miaw, chère Théa, chère Odile,

Samedi matin ta lettre après ton télégramme de mercredi – merci beaucoup j'ai reçu le tout avec sérénité et grande joie. Je suis déjà bien mûr quant au pourcentage de déception tu sais Miaw, mais je suis comme toi je n'en perds pas mon énergie car je sais que Dieu nous donnera encore cette joie.

Hier notre dimanche s'est bien passé dans la joie et la jouissance du vrai printemps, le printemps du mois de Juin chaud et frais en même temps où le soleil du matin illumine un éther brumeux où l'air sans [lees: sent] bon la fumée de jardin où je me dis "voilà c'est ça le mois de Juin c'est comme ça que Thys l'aimait à Bas-Prunay." Certainement les roses de l'allée à cet instant devaient s'éveiller et goûter la fraîcheur de l'aurore et la piqûre déjà du rayon se glissant à travers les cerisiers. Oui, c'est le mois de Juin il y a des cerises dans la coupe sur la commode de la salle à manger. Clarisse dit bien "hum" quand je lui en donne une et Trudi se penche et s'appuie sur la commode en silence... de loin vue de derrière je crois qu'elle médite... non elle donne à son Norbert qui prend de belles proportions aussi de ces bons fruits qui donnèrent à mon anniversaire chaque année cette couleur que je n'oublie pas, et que toujours à revoir.

Hier donc nous sommes allés faire un petit tour à la fête de Neuilly. Ce n'était pas très sage d'après ton conseil, Miaw, mais nous sommes de si grands enfants et nous nous amusons si bien tous les trois! Nous avons beaucoup vu de belles choses, Papa! et Clarisse a fait plus d'un tour de manège! elle s'y plait déjà! mais notre plus grosse dépense a été un cornet de frites bien bonnes que nous avons dégusté chacun avec appétit à la terrasse d'un café sur cette grande route de la Défense que tu connais bien Miaw. Et puis nous aussi nous avons fait un tour de montagnes russes! Ce que Clarisse peut s'amuser c'est pas croyable ça correspond tout à fait à son caractère "tempête". Cela lui délie la langue quand le meilleur des vins pourrait le faire à une jeune personne. Enfin une fois n'est pas coutume. Nous sommes divertis...

Malgré tout ton précepte de les amuser sagement m'est resté combien de fois ai-je du faire appel à mes réserves de sagesse (et de rouerie un peu aussi) pour dissuader Trudi à miser sur tel ou tel chose. Clarisse c'est facile mais Trudi... Enfin nous n'avons pas fait de bêtises. Nous sommes retournés avec l'autobus comme à l'aller et à Bougival nous avions de nouveau la voiture que nous avions laissé chez Cassier (tu te le rappelles!) qui tient un café à Bougival près du pont. Et lentement nous avons retrouvé notre logis dans le calme du soir, il était 10^H! En sortant d'un manège entre parenthèses je me suis rappelé la fête de S^T Cloud en voyant le petit sac de Clarisse oublié dans le grand canard qui nous avait fait goûter de son vol. Ton porte-monnaie me réapparut sur les planches que nous quittions... Il y avait trois garçons alors ça devait être beau pour toi hein! J'aime tellement m'amuser avec ma fille. Elle suit si bien les courbes de mon caprice dans nos jeux sans queue ni tête.

Je n'ai pas encore aujourd'hui de photo à vous joindre mais bientôt. Celles du baptême sont déjà bien réussies.

Roland m'a envoyé une lettre un peu illisible mais où tout va bien paraît-il après un début un peu difficile. Marcelle n'est pas très forte.

Chère Théa j'espère que vous allez bien aussi qu'Odile. Je n'ai pas vu votre écriture depuis longtemps mais j'imagine bien que votre petit trésor vous donne du travail en plus. Embrassez-la bien de ma part, de Trudi et de sa nièce.

Miaw comme tu vois je pense beaucoup à toi. Je t'aime bien et t'attends. Embrasse bien bien Théa pour moi et Odile.

à bientôt

Donald.