MATTHIJS VERMEULEN

Componist, schrijver en denker

19490602 Matthijs Vermeulen aan Donald Van der Meulen

Matthijs Vermeulen

aan

Donald Van der Meulen

Amsterdam, 2 juni 1949

Amsterdam

Heerengracht 330

le 2 juin 1949

Mon cher Donald,

mes chères Trudi et Clarisse,

Heureusement Donald que dans ta lettre du 31 mai tu me renseignes un peu sur les projets que tu avais formés pour le Vendredi 10.

Car au sujet de ce concert rien, en ce qui me concerne, n'est encore certain. Et je ne voudrais pas que tu fasses un voyage coûteux sans autres profits et raisons que le plaisir de se revoir et la distraction d'un déplacement. Voilà où les choses en sont aujourd'hui.

Je suis depuis deux mois sans nouvelles du chef d'orchestre qui doit conduire ma IV symphonie. Lui-même m'a proposé cette exécution sans que je lui aie demandé quoique ce soit. Il n'y a pas lieu de douter de sa bonne volonté. Il a reçu le matériel d'orchestre à la date qu'il avait fixé (le 28 mai) et ça alla tout juste! Il n'a rien décommandé, ce qui aurait arrangé bien des personnes, si la commande n'avait plus d'urgence.

Je peux donc toujours croire que l'audition se fera. Mais dans une annonce de journal où le programme de son concert du 10 juin était mentionné, mon nom ne figurait pas, et dans une autre annonce comme on m'a raconté (je ne l'ai pas vu moi-même) il y avait à la place que j'aurais eue un autre compositeur hollandais. En outre, jusqu'à ce jour je n'ai pas reçu la moindre invitation d'assister à une répétition de mon ouvrage.

Tout paraît donc encore extrêmement en l'air. Tout se trouve "sur des vis lâches" comme disent les hollandais. Il se peut fort bien que le chef d'orchestre n'ose pas m'informer que pour quelque raison il doit renoncer à son plan. Pour les répétitions et plusieurs instrumentistes supplémentaires, il avait besoin d'environ cinq mille florins (cinq cent mille francs!) et il se peut qu'il ne les a pas trouvés. Il se pourrait également qu'après une première lecture la symphonie lui a paru trop difficile pour son orchestre.

Je ne sais donc rien. Et je ne veux ni ne peux aller lui demander ce qui en est, comme tu comprendras. C'est au chef d'orchestre de s'expliquer si c'est nécessaire. Ce n'est pas à moi de lui demander ses explications avant Vendredi 10 juin, 8 heures du soir!! (Il est possible qu'il a rencontré encore d'autres obstacles à l'audition d'une symphonie de moi, mais je n'ai pas à m'en occuper.)

Nous deux, mon cher Donald, nous conviendrons ceci:

Dès que j'ai confirmation sérieuse que le concert se fait selon mon attente je t'enverrai un télégramme. Si c'est faisable et nous avons le temps, je t'enverrai par lettre recommandée un billet aller et retour Paris – Amsterdam,* 3ème classe. Si ce n'est pas faisable tu te débrouilleras. Mais si tu ne reçois pas de télégramme tu ne bouges pas. Cela voudra dire que le concert n'aura pas lieu.

Si tu reçois un télégramme tu pars Vendredi matin à dix heures de la gare du Nord. Tu seras à 5.15 après-midi à Rotterdam où je t'attendrai sur le quai. On dînera ensemble. On ira au concert. Et tu repartiras dès que tu pourras. Je veux que tu sois Dimanche de retour à Louveciennes. Car tu n'as pas le droit de laisser Trudi seule plus longtemps qu'il n'est strictement nécessaire.

Aussi bien pour moi que pour toi c'est peut-être trop beau pour se réaliser. Je n'en sais rien. Mais je compte que tu ne te laisseras influencer aucunement si ça paraît impossible; et même bien moins que moi, car tu t'imagineras sans difficulté que je voudrais entendre ma symphonie.

C'est donc compris; et promis. Pas d'impatience! Je n'aurai plus le temps de t'écrire pour ton anniversaire. Je pense souvent à la splendide matinée (six heures du matin d'un dimanche) où tu es né. J'avais passé la nuit tantôt chez Fofo, tantôt avec le docteur Berthet sous le tilleul de la Rue de Vindé n° 1, dans un incroyable et incomparable clair de pleine lune d'été où chantaient tout près de moi les crapauds. Je pense souvent au sourire avec lequel, en même temps que l'aurore radieuse, tu entrais dans la vie heureuse. Que tes jours se passent toujours dans ce souvenir que je te transmets mon cher Donald. Voilà mes vœux et ceux de Thea. Ce sont des vœux de bonheur. Nous vous embrassons, toi, Trudi et Clarisse de tout notre cœur,

ton Miaou

* [toegevoegd door Thea in de marge:] je me suis renseignée: ce n'est pas permis malheureusement, pour des raisons que ce serait une exportation de devises!

Verblijfplaats: Amsterdam, Bijzondere Collecties UvA