MATTHIJS VERMEULEN

Componist, schrijver en denker

19480803 Matthijs Vermeulen aan Donald Van der Meulen

Matthijs Vermeulen

aan

Donald Van der Meulen

Amsterdam, 3 augustus 1948

Amsterdam

Heerengracht 330

le 3 août 1948

Mon cher petit Doudie,

Me voilà déjà terriblement en retard sur deux lettres de toi, dont l'une, c'est vrai, a croisé une des miennes. Qu'est-ce tu dois penser! Mais je n'y peux rien, ou pas grand-chose!! J'ai dû écrire à l'oncle Weinstein, que j'avais fait attendre malgré moi beaucoup de jours, et il me paraît un si brave type! J'ai dû écrire à Aline pour lui communiquer l'adresse où elle peut aller chercher tes quatre mille francs. Avec Thea, j'ai été expédier deux paquets à Trudi, de cinq kilos chacun. Et je ne sais plus quoi encore. C'est tout? diras-tu peut-être. Oui! Mais chacune de ces entreprises m'a demandé l'après-midi. Et avec cela il a fait joliment chaud ici depuis une semaine. Imagine-toi donc, car tu y as été, tu t'es assis dans la bonne lumière d'un soleil de printemps, imagine-toi ce que ça peut donner quand l'astre du jour darde tous ses feux sur mon toit et dans mes fenêtres. Car je suis logé comme tu sais au Sud-Sud-Ouest. C'était juste tenable, mais pas du tout encourageant à quelque travail, surtout quand on a déjà trimé de tout son pouvoir pendant la matinée, qui du point de vue climat, est délicieuse.

En attendant d'y répondre j'ai lu et relu tes deux lettres avec une grande satisfaction. Je trouve que ton esprit mûrit à vue d'œil pour ainsi dire. Si tu pouvais soigner mieux ton écriture, et, de temps en temps, aussi ton orthographe, je serais encore plus content. Ça me semble une simple question de discipline et d'attention. Mais pour te répondre à ce qui en concerne le fond, surtout de la première lettre, accorde-moi encore quelques journées de répit. Aujourd'hui j'ai pris seulement la plume pour que tu ne t'inquiètes pas. Nous avons eu quelques orages et les feux qui m'aveuglent littéralement vont probablement s'adoucir. En attendant l'ombre qui suit les mots que je trace est encore d'un noir plus profond que mon encre de chine et d'une netteté surprenante, quelque chose comme notre chatte bizoute quand elle marchait dans la neige!

Thea doit toujours se reposer encore. Une des caractéristiques les plus curieuses de son état est qu'elle ne peut souffrir aucune odeur, pas même celui d'un bon savon, sans être obligé de rendre ce qui peut se trouver dans son estomac. Alors tu te rends compte! Nous aurons des vacances, moi en tout cas trois semaines pour le journal où j'écris; mais nous ne pouvons pas encore savoir si nous les passerons ailleurs qu'ici. Car dans l'état où Thea se trouve il lui est impossible de voyager, et je ne pourrais pas la laisser seule, car, sans m'en vanter, je la soigne autant qu'il est en mon pouvoir.

Écris- moi toujours, pendant que je ne me tourne pas les pouces!! As-tu déjà besoin d'un nouveau paquet? Ne manque pas de me le dire, ni ne manque de nous faire savoir exactement ce qui dans l'autre t'a plu le mieux et ce que tu aimeras recevoir le plus. Décris-moi aussi un peu comme tu t'imagines ton avenir le plus prochain, ton avenir économique et social, quand tu seras guéri. J'aimerais bien que tu me décrives franchement et clairement tes idées là-dessus, pour que nous puissions en parler ensemble en toute confiance. Ce sera fort utile si tu me fais connaître tous les secrets de ton cœur en ce qui regarde tes projets.

A un de ces jours donc, mais écris-moi en l'attendant. Le soleil dans mes yeux devient vraiment trop luisant. Je n'ai pas encore pu écrire à Trudi. Mais ses paquets doivent voyager par le train. L'avion pour l'Autriche n'est pas encore permis pour les marchandises. J'espère que tu continues d'aller de mieux en mieux. Nous avons eu de bonnes nouvelles d'Anny, qui est entièrement épanouie. Nous t'aimons beaucoup, Thea et moi, sois-en assuré, nous pensons très souvent à toi, nous te souhaitons bientôt rétabli, et t'embrassons bien fort, bien affectueusement, Thea et

ton

Theys

Verblijfplaats: Amsterdam, Bijzondere Collecties UvA