MATTHIJS VERMEULEN

Componist, schrijver en denker

19480704 Donald Van der Meulen aan Matthijs Vermeulen

Donald Van der Meulen

aan

Matthijs Vermeulen

Neuilly-sur-Marne, 4 juli 1948

Hôpital Ville-Evrard

Neuilly sur Marne

Le 4 Juillet 1948

Cher Miaou, chère Théa,

Eh bien! voilà du neuf qui vaut des félicitations et des alleluyas! Je viens de recevoir ta lettre du 1er Juillet m'annonçant la nouvelle dont je me réjouis beaucoup, de la venue prochaine d'un petit frère comme tu écris. Je souhaite que maintenant Théa se porte à merveille et prenne de repos, car d'après toi votre activité n'a pas encore diminué. Roland qui est venu me voir il y a quelques jours avant son départ en Vendée, m'avait en effet parlé de cet événement, mais n'était pas bien sûr d'avoir déjà le droit de reprendre la nouvelle – Mais si c'est toi qui me l'écrit, alors! entre nous je peux bien te le dire: je m'y attendais et avais prédit la chose à Trudi. Alors attendons.

Ta lettre m'a fait bien plaisir, il y avait longtemps que j'avais vu ta belle écriture qui me repose tant. C'est hier soir, samedi, que je l'ai reçue. Aussi par ce beau matin ensoleillé je me suis mis tout de suite après le déjeuner, dans le jardin avec une table et ai commencé ma lettre. Il y a quelque chose de joyeux dans l'air et quelques secondes avant que je n'écrive les premières lignes, les fanfares de la radio française (que l'on entend du bâtiment) venaient jusqu'à mes oreilles pour marquer la coïncidence. Peu de temps avant que je ne pus sortir, j'ai entendu aussi quelques mesures de Beethoven qui me mirent aussi tout de suite dans cette belle ambiance de tête à tête avec toi. Quelle joie, quelle chaleur monte en moi, quand (de cette boîte placée dans la salle de récréation) sortent rien que quelques accents de noblesse, de pureté, qui me retrempent à cette fontaine sacrée où tu m'aimena [lees: m'emmenas] si souvent et d'où l'on sort si frais. Tiens, ce serait un joli motif de mettre mes Dieux de la musique autour d'un déversement de fraîcheur limpide. J'aimerais avant toute ébauche, te "connaître" effectivement, non par curiosité, mais pour donner à ma flamme naturelle pour toi, un aliment que tu lui as depuis longtemps préparé. Ta musique a tenu pour moi, dans cette période disons, "imprécise" que j'ai traversée, une place très grande. (Je tâcherai de t'expliquer cela plus tard lorsque moi-même j'y aurai vu plus clair.) En tout cas ce que j'en ai retenu c'est que je voudrais bien l'entendre. Je pense surtout à la symphonie de 1940, la cinquième si ma mémoire est bonne.

Alors donc ces quelques mesures énergiques m'avaient mis directement dans l'ambiance pour t'écrire. J'ai le bonheur d'entendre aussi quelquefois Mozart. Mais alors c'est plutôt l'image de Trudi qui me vient et le souvenir de ces moments où nous puisâmes notre bonheur à cette source. Comme tu peux le penser, son absence me peine beaucoup. Dans ma mémoire les traits de Clarisse sont flous et je ne peux la faire revivre comme mon cœur le voudrait. Pour moi le temps passe vite et tout de même long. Du moins j'ai l'impression que beaucoup de temps s'écoule. Voici pourquoi: le matin de bonne heure je reçois la piqûre qui m'envoie au pays des rêves (qui sont plutôt des cauchemars) et je n'en reviens que vers 11H avec l'impression d'avoir vécu je ne sais combien de temps... Ensuite l'après-midi passe vite, car j'ai un mal fou à coordonner mes pensées et en général j'écris. Dieu merci le dimanche je suis dehors toute la journée et je sens que ça va beaucoup mieux. C'est le troisième dimanche que je passe ici. Les deux premiers je suis allé à la messe et aujourd'hui personne n'est venu me chercher; et puis j'étais décidé à rester plutôt avec toi. La visite de Roland et Marcelle m'a fait beaucoup de peine. Heureusement la vue de Roland qui se porte bien m'a soulagé.

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