MATTHIJS VERMEULEN

Componist, schrijver en denker

19570502 Donald Van der Meulen aan Matthijs Vermeulen

Donald Van der Meulen

aan

Matthijs Vermeulen

La Garenne, 2 mei 1957

La Garenne le 2 Mai 1957

Cher Thys chère Théa, chère Odile,

Quelle heureuse surprise ce matin en ouvrant la porte à ce gentil carton si bien préparé! Votre joli brin est en train de récupérer dans l'eau. Nous l'avons accueilli avec grand recueillement. C'est si gentil de nous avoir envoyé ce muguet de Laren. C'est un rien de pouvoir matérialiser que les beautés de la nature poussent dans votre jardin, comme dans tous les jardins, mais que ce rien est important et agréable quand il est réalisé à travers les distances et barrières qui nous séparent. Merci de tout cœur pour vos vœux de bonheur. Nous souhaitons de notre côté que beaucoup d'autres brins fleurissent, paisiblement dans ce jardin où Théa pourra se délasser et reprendre des forces, où Thys et Odile se livreront aux jeux récréateurs.

Pour nous lorsque nous voulons jouer nous allons chercher l'herbe loin d'ici. A Maisons-Lafitte, à ST Nom La Bretèche, à ST Cucufa ou à Versaillais. Nous en rapportons quelques photos pour vous. Je vous les apporte avec plaisir pensant qu'elles seront une source de joie. Ce sont vraiment des regards sur le passé ces tours où réapparaissent les routes que tu nous ouvrais.

Miaw! Ces ballades à pied, à bicyclette où tu t'efforçais à nous faire garder notre droite à la file indienne. C'est un film que je déroule à plaisir dans ces lieux que j'ai le bonheur d'avoir sous les yeux. On n'y retrouve pas tout. Mais beaucoup tout de même. Te souviens-t-il d'un havre parmi tant d'autres dans nos ballades? Un petit café au croisement de deux routes en rase campagne, là où je m'amusais à percer un carton plein de petits cercles avec un crayon d'acier. Suivant le trou percé j'obtenais un lot plus ou moins grand. C'était un de ces nombreux plaisirs que tu me donnais. Ce lieu perdu était Christ le Saclay. Tu as sans doute entendu parler maintenant de la centrale atomique qu'on y a installée. Et certes ces lieux ont changé d'allure! Où sont nos belles plaines d'antan? Je passai par là après avoir traversé la forêt de Fontainebleau où un écrit m'avait attiré passionnément: le flou de ma mémoire n'arrivait pas à le reformer. J'ai revu sur le mur de cette belle et vieille maison où les religieuses fabriquent des sucres d'orges à Mozart: "Utere dum numeras unam time." Te souviens-tu? C'est toi qui m'en as donné le sens autrefois à la Bicoque. Eh bien après douze ans je l'ai retrouvé toujours bien gravée dans la pierre. Comme quoi les écrits restent!

Le mien en restera là car je ne veux pas qu'il souffre un retard plus long. En vous disant que je vous aime beaucoup, que je pense à vous tendrement, que je vous embrasse bien fort je suis votre fiston et frérot.

Donald.

[naschrift Janine]