MATTHIJS VERMEULEN

Componist, schrijver en denker

19560915 Matthijs Vermeulen aan Donald en Janine Van der Meulen

Matthijs Vermeulen

aan

Donald en Janine Van der Meulen

Amsterdam, 15 september 1956

Amsterdam

Herengracht 330

le 15 sept. 1956

Mon cher Donald,

ma chère Janine,

Merci, mon brave Donald, de tes nouvelles du 10, à la fois si bonnes, si heureuses, et, rétrospectivement si terribles. C'est le passé, désormais, et j'en suis bien content. Dans quelques semaines ce sera beau de regarder en arrière. Vous puiserez tous les deux des forces nouvelles dans le courage et les autres vertus que vous avez eu à déployer pendant cette lourde épreuve. J'en frémis moi-même. Je comprends aussi, Donald, combien cela a été dur cette longue série d'adversités après cette splendide journée du 8 juillet. Ça arrive aussi souvent après une très forte émotion, disons extase, de se retrouver tout petit et propre à rien. Je m'y connais. Ne pas fléchir alors. Ne pas s'inquiéter. Dire grâces. Remonter tranquillement, fermement. Se donner du fouet avec joie. Chasser toute pensée amère et débilitante. Je crois du reste que vous deux vous avez bien repris la route. Tu me cueilleras une de ces gerbes d'or qui refleurissent au bord de la Seine. Je revois toujours les nôtres. J'en ai emporté une qui date de l'automne de 1940. Je mettrai celle que tu m'enverras avec l'autre dans mon gros dictionnaire. Ce sera un gage de bonheur.

Je n'en ai pas été surpris de te voir naître un fils. J'en étais presque sûr lors que tu étais ici, autant qu'on ose être sûr d'une intuition qu'on a dans la tête. Je n'ai pas été étonné que tu as voulu l'appeler Josquin. Cela m'a d'abord ravivé la douleur de le perdre, quand le soir, en faisant ma prière je dis dorénavant son nom avec eux pour qui je demande aide et protection. J'y suis presque habitué. Après ta lettre cela ira encore plus facilement. C'est bon qu'il revive sous le même ciel. Je suis très curieux de voir comment il grandira. Oui je veux le voir grandir, et voir de mes yeux grandi. T'ai-je raconté autrefois que le premier Josquin est né également avec le cordon autour du cou? Le docteur Berthet, quoique averti largement à temps, était arrivé une demi-heure de retard, et j'ai dû dérouler le cordon moi-même. Ensuite je l'ai couché prudemment à côté de sa mère. Mais l'accouchement avait été en soi très facile. Par contre Josquin I était en naissant beaucoup moins costaud que Josquin II. Pour son nom je n'ai pas eu la moindre difficulté à la mairie de La Celle-St Cloud. On l'a admis sans broncher! Je l'ai soigné comme tu soignes maintenant le tien. Cela laisse "un certain fond". Tu verras. Cela noue des liens. J'y pense avec tendresse. Tout est bien.

Que Janine se repose maintenant pour plusieurs années! Vous avez le temps.

Ici nous préparons de grands changements. Ne trouvant pas de maison à ma guise, nous avons décidé d'aller habiter à Laren, dans la petite villa où vous êtes venu il y a deux ans. Elle sera libre le 1er octobre et aux environs de cette date nous emménagerons là. Thea et moi nous cesserons d'écrire dans les journaux. Je me remettrai à la composition. La musique redeviendra mon beau souci. La question financière n'est pas encore réglée complètement. Le gouvernement hollandais m'a accordé une subvention annuelle de deux mille florins pour la vie. C'est une base modeste, mais c'est une base. Il y en a encore d'autres, trop long à t'expliquer aujourd'hui. Il manque à notre budget encore quelque chose comme cent cinquante mille francs, mais on les trouvera, je n'en doute pas. Bientôt j'espère commencer une nouvelle symphonie. Je l'attends avec impatience.

Tu sais que c'est l'anniversaire de Anny? Elle vient chez nous tantôt afin de passer cette journée en famille. J'aurais bien voulu prolonger cette lettre mais je veux aussi qu'elle t'arrive le plus vite possible. J'y ajoute une coupure de L'Information que tu liras probablement avec quelque satisfaction. C'est le seul journal français qui m'est parvenu. Ne te tourmente pas à cause de ce "Bottin". Cela ne presse pas du tout. Je l'avais tout à fait oublié. C'est "par hasard" que Thea me l'a rappelé un de ces jours, et ma foi, avec tout ce que tu as à la tête et au cœur je comprends fort bien. Ne te fais pas de reproches exagérés, mon cher Donald. Laissons travailler ce livre lui-même. Tu connais mes idées là-dessus.

Maintenant embrassons-nous. La journée est très belle ici aujourd'hui, la première aussi après une période de mauvais temps qui semblait interminable. Cela promet. Patience et courage. On travaille pour l'avenir. Il sera heureux si nous avons assez de foi, d'espérance et d'amour.

Je laisse quelque place à ta sœur et à Thea.

Embrasse Janine de ma part, et Dominique et Josquin.

Plein de confiance en ta force,

ton

Miaou

[Thea, Anny en Odilia sluiten de brief af:]

Cher Donald, qui saurait mieux que Thys exprimer les sentiments intimes et d'une bienfaisante tendresse? Je m'y joins.

J'ajoute seulement que je n'ai rien pu faire pour Melle Bitaille. Ni Anny ni moi nous n'avions le temps d'aller à la gare. Mais en se débrouillant seule elle a pu commencer un beau roman, qui sait?

Bons baisers à tous,

Théa

Chérie et chère Janine,

Grand merci de vos félicitations. Je suis tellement heureuse de savoir que tout va bien chez vous.

J'ai fait ce que j'ai pu pour ta protégée, tu sais. Mais ici il sont sévères sur la discipline... C'est loin d'être la largeur française...

Beaucoup de bonnes pensées et mille baisers à tous

Anny

ODILIA. BAISERS.

louter in fotokopie overgeleverd (de envelop is wel bewaard gebleven)

Verblijfplaats: Amsterdam, Bijzondere Collecties UvA