Matthijs Vermeulen
aan
Editions et Publications de Lutèce (Renée Lacoste)
Amsterdam, xx april 1956
[ongedateerd]
Chère Madame,
Depuis le 19 avril (date de votre première lettre exhortante) je n’ai pas encore eu une minute de loisir pour m’occuper du sort de L’Aventure de l’Esprit.
Figurez-vous que la maison où j’aurai demeuré bientôt onze ans a été vendu et que le nouveau propriétaire a réussi à la faire déclarer inhabitable pour la démolir, la reconstruire, afin d’en tirer plus d’argent. Il veut m’expulser.
Cela m’a coûté un tas de démarches dans l’espoir d’obtenir un délai qui prouve au moins qu’il y a encore autre chose ici que des canaux des canards et de la canaille, comme le prétendait Voltaire. Il m’a été accordé mais il n’est pas long.
Par surcroît ma 2me symphonie va être jouée au Holland Festival trois fois. C’est toujours ça. Cette surprise en attendant me cause beaucoup bien du travail supplémentaire. Si ma musique vous intéresse vous pourrez prendre l’écoute le 5 juillet vers 20.h45. Mais dans mon temps la réception à Paris de la radio Hollandaise était médiocre et je crains que l’obstacle ne soit toujours là, puisque j’entends mal Paris.
N'importe. Je finirai un jour par trouver le temps pour écrire à ces critiques qui exercent si singulièrement leur métier. Car je ne peux vous cacher mon étonnement du fait que le service de presse de mon livre, en somme pas tellement dédaignable, et accompagné d’un mot personnel, n’a produit aucune réaction appréciable. C’est fantastique. En Janvier j’ai écrit à un critique célèbre que j’estime hautement. Je lui ai envoyé le livre avec une dédicace. Il ne m’a même pas répondu. J’en suis presque ahuri. La politesse aurait-elle disparu en France? Et par-dessus le marché la curiosité des idées? Il n’y aurait plus de communication normale possible entre gens sérieux et intelligents? C’est inimaginable.
N'empêche. Je viendrai certainement à Paris. Dès que le repos et l’envie me seront revenus je suivrai vos conseils. En vous remerciant de la sollicitude dont ils témoignent, je vous prie, chère Madame, de vouloir croire à mes sentiments dévoués,
MV
concept
Verblijfplaats: Amsterdam, Bijzondere Collecties UvA
