MATTHIJS VERMEULEN

Componist, schrijver en denker

19510305 Donald Van der Meulen aan Matthijs Vermeulen

Donald Van der Meulen

aan

Matthijs Vermeulen

Parijs, 5 maart 1951

Paris le 5-3-51

Cher Thys, chère Théa –

chère Odile,

Tout de suite grand merci de ta lettre dernière qui nous a fait tant de plaisir – Trudi a été enflammée, elle croit lire son père! elle voulait y répondre de suite. Et moi je suis dur à enflammer mais ce que tu dis me paraît très juste [–] il faut que j'ouvre les yeux.

Mais la question politique mise à part ce sont les nouvelles qui m'ont réjouis, tu parles de se revoir! Chouette!

Hier Trudi et moi nous sommes allés au Théâtre des Champs-Elysées voir et entendre le Wiener Philharmoniker avec Clemens Kraus nous fûmes enchantés – Ouverture Obéron [–] la 88e de Haydn – Till Eulenspiegel [–] la 5e de Beethoven et l'ouverture des Meistersinger en bis. Cela nous a beaucoup plu, très fin et très précis comme exécution – Till était éclatant. La 5e comme tu la veux –

Pour Trudi vous pensez si c'était un événement de voir des Viennois sur la scène! Notre amusement parmi ces têtes fut de reconnaître un contrebassiste qui au temps bienheureux de nos premiers amours avait (il a encore) une étrange ressemblance avec un "Ober" de notre café à rendez-vous. Ce garçon, assez âgé, jovial et sympathique, nous couvait toujours de son œil bienveillant et il est entré dans l'histoire de notre amour comme un décor qu'on aime bien à se remémorer. Aussi de prêter à celui qui nous choyait dans les loges douillettes du Kosmos Kaffee, un caractère, ma foi plus noble, de contrebassiste voilà qui est mélange facile – L'un donnant à l'autre c'est en somme un vieil ami que nous retrouvâmes hier soir – Ce n'est que pendant l'exécution que je le reconnus et le signalai à Trudi. La même allure noble, mais un crâne blanchi et dégarni nous indiquant le passage des ans – Entre nous ces instrumentistes ont une belle allure peut-être la meilleure de tout l'orchestre –

Enfin bref! tout va bien

Je vous embrasse bien fort et pense à Odile

Donald