MATTHIJS VERMEULEN

Componist, schrijver en denker

19501121 Matthijs Vermeulen aan Donald en Gertrude Van der Meulen

Matthijs Vermeulen

aan

Donald en Gertrude Van der Meulen

Amsterdam, 21 november 1950

Amsterdam

Heerengracht 330

Mardi-matin

le 21 nov. 1950

Mes chers Donald, Trudi,

Clarisse et Norbert

Vous m'avez fait une bien agréable surprise par votre gentil paquet, contenant deux sacs de café et une demie livre (je crois) de rillettes, qui est arrivé ici en excellent état le vendredi 17, après un voyage comme vous voyez, d'une semaine. Merci, Trudi, des bonnes choses et pour le parfait emballage. Surtout le café nous est arrivé à propos car j'ai toujours du mal à joindre les deux dates des ticquets, avec les petites rations qu'on distribue encore. Je ne m'attendais pas à un envoi si précieux et il m'a vraiment réjoui. Pareillement ta lettre du 2, mon cher Donald. Ne t'attriste pas trop de trouver peu de temps pour m'écrire. Je me rends très bien compte de toutes les heures que te coûte ton travail, et il n'est pas seulement équitable mais nécessaire aussi que tu donnes la plus grande partie de tes moments de loisir à Trudi et à tes gosses qui doivent être heureux de t'avoir auprès d'eux et qui ont droit à ce bonheur. Mais ne te gênes pas non plus, si tu m'écris, de me raconter les tracas que te procure ton boulot. Ils sont probablement inévitables et ennuyeux. Cela m'intéresserait pourtant de les connaître.

Je t'aurais déjà répondu plus tôt, mais je m'y trouvais moi-même mal disposé. Il se fait comme ça des périodes où on n'est pas entièrement d'aplomb en dedans. J'ai souvent l'impression de plus en plus forte de circuler ici comme un étranger qui s'entend à peine avec les gens, quoique ceux-ci pour la plupart se montrent vraiment aimables. D'ailleurs, depuis plus de six mois le temps est affreux; peu de soleil, beaucoup de pluie et de nuages, des éclaircies trop rares. Les concerts jusqu'à aujourd'hui ont été d'une insignifiance tout à fait décourageante. Ça doit être partout presque kif-kif bourricot. Tant pis. Le monde entier mijote un carnage. Je vois les journaux avec la plus grande dégoûtation. Pas de musique imaginable dans un climat pareil. Passons dessus et supportons le. Ne soyons pas sombres. Encore un peu de temps et la lumière va renaître.

A part cela, comme disait Josquin, tout va bien. Nous en avons pris un peu pour notre rhume, comme chez toi, mais cela ne compte pas. Odile est toujours un charme; de mieux en mieux. T'ai-je dit déjà qu'elle court dans les rues avec la vitesse d'un lièvre? C'est son style habituel. En chantant souvent. Ce n'est pas commode de la suivre. A midi et le soir elle mange chez moi. Sur ma table de préférence, où elle marche prudemment au milieu de mes paperasses et crayons. Depuis hier elle aime aussi mettre ses petites fesses sur mon pot à tabac. Elles vont juste dessus. C'est très gracieux et amusant, pour elle aussi. Et de rire toujours. C'est curieux comme elle est à la fois calme et remuante, tranquille et bondissante. Elle comprend parfaitement nos deux langues, et sait les employer aussi selon qu'on lui parle. Elle babille de plus en plus, tantôt en hollandais, tantôt en français. J'ai commencé à lui enseigner l'écriture. Elle sait quatre lettres quand elle veut; le A T M O, mais depuis quelques semaines elle se moque de moi quand je lui demande et elle dit en rigolant Neu! par quoi nous ne faisons plus de progrès. Les bateaux ont toujours une grande attirance pour elle, ainsi que la musique, et quand je longe nos canaux j'ai souvent du mal à la retirer de monter dessus. Elle a grandi beaucoup et elle s'embellit aussi. Souvent elle peut être singulièrement jolie. Par surcroît elle a une surprenante vivacité de compréhension, d'intelligence et d'intuition.

Pour le reste rien de neuf. Ici les feuilles sont déjà tombées toutes. Est-ce que tu es allé un dimanche ou un samedi aux châtaignes? J'aime bien de recevoir de temps en temps une image de là-bas. Comment se montre la tombe de Fofo? Tu devrais m'en faire faire un jour quelque photo. Depuis août notre appareil est à l'oubli. Je ne vais que rarement aussi dans le jardin du musée. Je reverrai toujours avec plaisir l'image de toi et d'Odile à côté de ce vieux petit moulin en pierre. Quand nous irons prendre de nouvelles vues j'en ferai faire un agrandissement.

Maintenant raconte-moi autant de choses sur Clarisse et Norbert. Mais cela ne presse pas! Il y a plus d'un mois j'ai écrit à Roland et à Anny, mais n'ai pas de réponse jusqu'ici. Ni d'Aline. Tu vois encore ses parents? Demande leur de ma part comment elle va, et où elle habite à présent.

Donc à ta prochaine lettre mon cher Donald. Je pense qu'aux environs de la Noël tu recevras bien un petit paquet de Thea. Je la vois déjà qui y réfléchit! Nous vous embrassons tous avec affection en vous aimant bien, et particulièrement toi, avec une bonne bourrade de ton

Matthys

Verblijfplaats: Amsterdam, Bijzondere Collecties UvA