MATTHIJS VERMEULEN

Componist, schrijver en denker

19491018 Matthijs Vermeulen aan Ernst Levy

Matthijs Vermeulen

aan

Ernst Levy

Amsterdam, 18 oktober 1949

Amsterdam

Heerengracht 330

le 18 oct. 1949

Cher frère,

Ta petite lettre, que j'attendais depuis très longtemps, m'est arrivée au milieu des répétitions de ma 5e symphonie. Je me disais: dois-je l'avertir? Mais la préparation du concert étant très astreignante, éreintante même, à cause des difficultés instrumentales, orchestrales et psychiques ensemble, j'ai conclu qu'il fallait pas te déranger. Au reste, je n'aurais pas pu t'offrir une place convenable, puisque la salle du Concertgebouw était d'avance au grand complet avec ses abonnés. Il y a eu deux auditions qui ont causé du remous. Beaucoup de personnes ont quitté le lieu de leur martyre, qu'ils s'estimaient infligé. Et au moment qui pour moi fut le plus incompréhensible: après l'Adagio. Les autres ont montré un enthousiasme réservé. La première audition fut sans "musique", sans l'étincelle. La deuxième était superbe, splendide, et m'a moi-même enlevé. Cela suffit pour l'instant. Ni défaite, ni victoire. Je suis "quelqu'un". Un quelqu'un qu'il est difficile à supporter.

Maintenant la nouvelle bien plus importante que tu ne sais pas encore. Le 18 janvier nous est née une fille. Elle s'appelle Odile. C'est une enfant extrêmement joyeuse, gaillarde, amusante et intelligente. Elle est également d'une remarquable santé, robustesse et vitalité. Elle n'est pas encore belle. Elle a le temps de le devenir. Quant à moi je suis content des trésors qu'elle a amassés dans son cœur, qui, par surcroît, est tendrement humain. Tu peux nous féliciter! C'est une joie que nous avons reçue.

Ta visite entre le 23 et le 26 novembre m'irait très bien, parce qu'elle tombera au milieu de la semaine. (J'écris mon article hebdomadaire le dimanche et le lundi.) Aucun obstacle donc. Pas d'ombre. Rien que l'attente de bonnes journées, d'un véritablement grand plaisir.

Tu voudras sûrement faire un acte de charité. Si la chose est possible par les relations que tu as à Paris, tu feras envoyer sans tarder une somme de vingt mille, si cela se peut de trente mille francs français à Donald Vandermeulen, 12 Place de l'Eglise, Louveciennes, S. et 0. Il va avoir son deuxième enfant et est menacé de perdre son travail. Il a été très malade (crise mystique) à la suite de la faim et de ses commotions de soldat pendant la guerre. Nous aimons bien ce fils qui est un très brave garçon. Mais nos essais de l'aider sont considérablement retardés par des empêchements bureaucratiques. Je te rembourserai la somme en florins lors de ta venue à Amsterdam.

Merci! Et au revoir. Je t'embrasse. Salutations de Thea!

Matthijs.

Verblijfplaats: Amsterdam, Bijzondere Collecties UvA