MATTHIJS VERMEULEN

Componist, schrijver en denker

19481221 Donald Van der Meulen aan Matthijs Vermeulen

Donald Van der Meulen

aan

Matthijs Vermeulen

Parijs, 21 december 1948

Le 21 Décembre 1948

Cher Thys, chère Théa,

Dimanche dernier j'ai eu ou plutôt nous avons eu la visite du Père Christian qui est de passage à Paris en ce moment. Beaucoup de plaisir avons nous eu moi particulièrement à le recevoir dans notre petit grenier où il pût faire connaissance avec Trudi et Clarisse. Il est resté pour moi comme un vieil ami que l'on connaît depuis longtemps. Trudi aussi a eu beaucoup de plaisir à le connaître. Malheureusement il ne pouvait pas rester bien longtemps mais nous avons quand [même] eu le temps de goûter ensemble et j'ai pu lui offrir un morceau de Koek de Delft ce qui était tout à fait dans le ton n'est-ce pas? Nous avons bavardé gentiment sur toi, vous, Anny enfin c'était très familial. Je lui ai demandé de retourner le voir mercredi soir à Paris où j'irai avec Trudi. Il est à Paris jusqu'au 1er et reviendra encore à Louveciennes le 2.

Savez-vous que Trudi a commencé son travail à Paris? Le service social de la 2eme DB a essayé de lui trouver une place pas trop mal sur ma demande. Elle est dans un bureau de la maison Lancel et manie des montres et papiers. Elle ne gagne pas énormément 12.000 frs par mois et moi 18.000 frs. Avec cela nous espérons mettre un peu de coté pour nous donner au moins la commodité de l'eau courante chez nous, sans laquelle le travail de la maison est bien fatiguant pour Trudi. Je crois qu'elle se fatiguera moins là où elle est maintenant, car elle a besoin d'être ménagée en ce moment. Clarisse elle a trouvé une nourrice: notre voisine d'en dessous la femme de Jacques Battedou, qui a aussi un petit garçon de deux ans. Les deux petits s'en trouvent très bien. Pour moi ça ne me change rien. J'ai ma Clarisse le soir, endormie le matin le samedi après-midi et le dimanche. Pour Trudi c'est un changement, ça lui repose les nerfs. Elle part le matin une heure plus tard que moi mais nous rentrons ensemble. Pour Clarisse le changement ne se fait pas remarquer. Enfin la solution n'est pas idéale elle est viable, ne trouves-tu pas? J'avais demandé à Anny si elle pourrait prendre Clarisse chez elle où je l'aurais sue en complète sécurité, mais elle me répond que c'est impossible et plutôt possible qu'elle revienne à Louveciennes chez moi. Elle ne se plaît plus là-bas et ça lui serait facile de quitter ses patrons. J'hésite un peu naturellement à prendre cette responsabilité matérielle mais dans le fond ça nous plairait encore mieux que la solution actuelle. Qu'en penses-tu?

Eh bien ta lettre de samedi m'a bien plu car il y avait longtemps que je ne t'avais lu. Je me réjouis de la bonne tournure que prennent les choses pour la mi-janvier.

Samedi dernier alors que Trudi travaillait je suis allé avec Clarisse à St Germain pour chercher l'argent. La banque était fermé malheureusement et j'ai fait tout de même une belle promenade intime avec mon petit être si frais, dont le caractère se dessine déjà: une forte personnalité en est le trait principale je crois. Avec ça une tendre docilité touchante. Je l'aime beaucoup. Si le feu d'un foyer brûle c'est beaucoup par ce qu'y met cette jeune âme qui me réchauffe plus que bien d'autres.

Hier soir en revenant du train à huit heures à la gare une ombre noire dans la nuit miaula près de moi et attira tout de suite mon attention. Un chat tout noir comme la Bizoute nous saluait et s'intéressait à nous. Après quelques caresses il nous suivit jusque chez nous où j'essaye de le garder. C'est une chatte amoureuse qui plait à Clarisse mais pas beaucoup à Clarisse [lees: Trudi]. Entre deux gouttes d'eau il n'y a pas plus de différence qu'entre Bizoute et elle. C'est vous dire ma joie et mon excès de sentimentalité devant cette réincarnation et le rappel de tant de bons souvenirs. Comme cadeau de Noël le ronron de cet animal est une musique bien évocatrice. Peut-être ce petit jeunot voudra bien rester chez moi, ça me manquait!.. Eh bien Miaw: à part ça il n'y a pas d'autres nouvelles. Le froid est là un bon froid sec et j'espère un peu de neige pour samedi.

La messe de minuit est dite pour Josquin à Louveciennes. Ça sera encore plus beau. Dimanche je reçois Aline à goûter et espère pouvoir lui faire un petit Noël. Nous penserons à toi.

Alors je vous quitte en vous souhaitant une belle veillée dans le souvenir et l'attente si belle de l'être qui va venir à l'heure promise et qui apportera aussi la lumière promise dans le miracle de son arrivée. Il y a-t-il une seconde plus belle sur terre que celle où l'on sent la beauté, la grandeur, de ce miracle. Pour moi je n'en ai jamais connue de plus bouleversante, de plus pénétrante, le jour de la naissance de Clarisse.

Je vous embrasse bien fort tous deux et penserai beaucoup à vous.

Votre Donald qui vous aime bien.