MATTHIJS VERMEULEN

Componist, schrijver en denker

19480712 Donald Van der Meulen aan Matthijs Vermeulen

Donald Van der Meulen

aan

Matthijs Vermeulen

Neuilly-sur-Marne, 12 juli 1948

Hôpital Ville Evrard

Neuilly sur Marne

– S et O –

Le 12 Juillet 1948 –

Cher Miaw,

Tu peux te figurer la joie que j'ai eue à recevoir tes lettres du 7 et 8 Juillet. Quand j'ai reçu la deuxième, j'étais précisément à ma table et élaborais le plan de contre-offensive dans le domaine courrier. En somme je t'attendais. Je te rends grâce de me consacrer tant de minutes de la si douce atmosphère de ta chambrette. A chacun de tes mots elle me revient si bien et s'accorde au souvenir très net que j'ai de ces lieux.

D'ordinaire tes lettres me trouvent dans le parc. Un brave homme se donne la peine de me l'apporter, lorsque trop plongé dans ma lecture (et mon transat) je n'ai pas le temps de venir au devant de lui. C'est à l'ombre de ces arbres, dont je t'ai envoyé un salut, que je lis ta missive. Tu t'étonnes, n'est-ce pas, de la couleur de cette feuille qui t'apporta le bonjour de ce coin de France? Il y a bien un arbre qui a des feuilles de cette couleur brunâtre, mais tous les autres sont encore bien verts. Et pourtant le sol est jonché de ces beaux cadavres, offrandes trop précoces, à la terre qui les réclame déjà. Ça fait peine, n'est-ce pas, de voir cette frêle beauté devoir rejoindre déjà le sol nourricier. Pourquoi celle dont les couleurs ont ranimé en moi le souvenir brûlant de cette saison que j'aime tant et qui bientôt sera là, pourquoi donc n'aurait-elle pas droit à ce petit coin de ciel, dans ton grand Larousse, où quelquefois par an, l'air bienfaisant la caressera encore? Bientôt les appelées seront si nombreuses que ma main, mes yeux, ne pourront même plus faire ce privilège...

Lorsque je me suis éveillé à nouveau à cette vie merveilleuse de la Nature, vers laquelle la chute de cette feuille fait galoper mes pensées, c'était avec une foi vibrante (à un degré particulièrement haut) qui faisait naître en moi une contemplation béate dont je garderai longtemps encore le sentiment. Ce fut au beau milieu de Juin que l'on me tira de mon lit pour me faire reconnaître mes amis dans le jardin. J'avais droit à un petit tour de cour. Au moment où le développement intérieur des pensées et des sentiments (préparatoires à cette reconnaissance: et pourtant je ne savais rien à l'avance de ce tour de cour) fut terminé en moi, à ce moment précis un infirmier vint me chercher (comme le voulait sa consigne) et me montra le chemin. Sa présence m'était agréable tout au long de cette promenade. Ceci pour faire ressortir l'harmonie (que je trouve miraculeuse) dans laquelle j'étais ce jour avec les êtres et les choses de cet hôpital. Harmonie, où je me trouve toujours d'ailleurs, que j'attendais, que je désirais depuis longtemps avant mon arrivée ici et que je sentis tout de suite. Et elle fut bien douce cette reprise de contact avec ces amours naturels, ces plantes ces fleurs, ces arbres dont les feuilles se revêtaient d'un vernis, comme si elles pleuraient. Mes yeux se rassasiaient de ces couleurs que je n'avais vues depuis si longtemps. Mes oreilles aussi ré entendaient ces chants si purs des oiseaux. Un pinson à la parure voyante, plastron rouge, tâches blanches, se posa à quelques mètres de moi en compagnie d'un autre et s'approcha d'une façon si gracieuse et si naturelle que sa confiance m'étonna autant qu'elle me remplit de joie. Une grande paix était en moi. Une vie nouvelle descendait en moi. J'en rendis de nombreuses fois grâce à notre Créateur.

Il vint aussi dans ce jardin cet homme pré-envoyé que nous accordons à bénir: le Père Christian (à qui j'ai d'ailleurs envoyé ces témoignages (que tu aurais bien voulu voir dans ta lettre) à son adresse d'Aalten). C'est délicat à toi, à ce sujet, de me mettre dans un chemin harmonieux où je puis trouver Fofo et toi. J'en avais besoin.

Mon papier à lettre n'est pas des plus beaux mais si ça ne te gêne pas, moi je passe aussi bien une matinée avec toi là-dessus, que sur un autre – Mais fichtre! (comme tu dis) ça m'a l'air de coûter cher les expéditions que tu fais. A moins que je n'ai plus notion du maniement de l'argent. En tout cas je suis aussi pour l'économie.

A propos Anny a déjà fait son envoi royal et aussi je me trouve comblé comme tu peux en juger. Ce qui te permettra de pas te tracasser trop avec moi. Je veux que tu prennes enfin de bonnes vacances et que vous alliez refaire ces tours dans les environs d'Amsterdam comme l'année dernière (tiens! une chose qui ne m'a pas échappée) du moins je souhaite que Théa puisse les faire. Alors je vous quitte.

Chère Théa, je souhaite bonne santé et vous envoie de bons baisers.

Miaw, je t'embrasse bien fort plusieurs fois et pense beaucoup à toi

Donald