MATTHIJS VERMEULEN

Componist, schrijver en denker

19470410 Matthijs Vermeulen aan Donald Van der Meulen

Matthijs Vermeulen

aan

Donald Van der Meulen

Amsterdam 10 april 1947

Amsterdam

jeudi le 10 avril 1947

Heerengracht 330

Mon cher petit Donald,

et ma chère petite Anny, si elle est encore là.

Je ne sais pas si je t'écrirai longtemps, mais ce sera toujours cela. Tu ne doit pas compter sur beaucoup, en ce qui concerne la quantité des pages noircies, tant que je serai occupé avec le livre que j'ai en train. Ma correspondance a un retard de plus d'un mois. Et malgré les objurgations de Thea je t'ai fait attendre ma réponse pendant deux semaines.

Ta grande lettre du 17 mars m'a fait un vrai plaisir. C'est très joli, ta description de l'arrivée à Vienne de ta frangine. Je suis heureux et tranquille de la savoir chez toi ou dans les environs. Je te remercie et te félicite du bon cœur que tu lui témoignes. J'espère que son séjour en Autriche lui sera avantageux et qu'il se fera en elle une de ces belles éclaircies qui durent et qui sont décisives.

J'ai reçu ici la visite de Nénesse pendant une journée. Il était expressément venu de Paris pour me voir, et est reparti de nouveau pour l'Amérique. Comme preuve d'amitié je trouve cela admirable. C'est bien curieux comme il y a quelque chose d'indéfectible entre nous depuis la première fois que nous nous sommes vus, et tout à fait malgré moi. Je lui ai parlé de tes Lebensmittelpakete de la Suisse. Il m'a dit que je n'ai qu'à m'adresser à sa mère, 80 Eulerstrasse à Bâle. Ce que je ferai. Et ensuite on verra. Il nous a joué sur le piano de Thea, sa dernière symphonie, la Dixième je crois. Il n'a pas fait les progrès que j'avais espérés de lui. Ni par la guerre, ni par le terrible chagrin qu'il prétend d'avoir éprouvé par la cruelle infidélité de Linet, il n'a réussi à s'approfondir. Et ce serait nécessaire. Mais avec cela il est bien sympathique! Toujours le même.

Tu peux avoir reçu par intermédiaire de la Croix Rouge Hollandaise un "Levensmiddelenpakket" adressé à Anny dans la Gumperdorferstrasse. Nous sommes sans nouvelles de cet envoi qui a été fait il y a environ 4 semaines. Mais nous ne sommes autorisés qu'à un paquet par mois, ce qui est bien dommage. Ce mois il en partira encore un. Nous ne pouvons envoyer de pareils paquets qu'à des personnes de nationalité Néerlandaise.

Il se peut aussi que Anny a reçu deux cents ou trois cents florins de la part de Peter Stadlen qui est un ami de Thea et qui a donné des récitals de piano à Vienne. Il est un pianiste très remarquable et peut-être tu l'as même entendu car il devait donner six concerts consacrés à Schubert. Egalement de cet envoi de florins nous sommes sans nouvelles. C'était peut-être impossible. Mais nous avons essayé. Et nous saisirons chaque occasion qui se présente. La semaine prochaine Peter Stadlen vient ici et nous le verrons. On saura donc.

Ce qui m'étonne c'est que Lia Onnen ne m'a rien dit ni écrit sur la mauvaise mine de Anny. J'ai pourtant l'impression que Lia l'aime assez.

Ici il fait un temps superbe, après une grosse tempête, mais encore frisquet. Presque pas de trace de boutons aux arbres.

J'ai eu une lettre du Commandant de Josquin avec la demande d'une photo qui devra paraître dans un livre de marche du Premier Commando de France. Je lui [ai] envoyé celle de Lérida et celle de Fontainebleau. Je ne sais pas laquelle des deux il a choisie, mais il m'a revoyé celle de Lérida. Ce serait le second livre sur le 1er Commando. Aline a acheté le premier mais n'en était pas enthousiaste. Je suppose qu'elle n'y a rien trouvé sur Josquin. Je t'enverrai le second que le Commandant m'a promis.

Comme disques je n'ai encore rien pu avoir. Tu penses bien qu'autrement je te ferais ce plaisir sans réfléchir.

Voilà que je bavarde déjà une heure avec toi! Il n'y a plus rien à raconter maintenant. Bon point pour toi: dans ta dernière lettre il n'y avait presque pas de fautes d'orthographe! Mais je n'approuve pas du tout que tu négliges tes études complètement. J'espère que par un autre chemin la bonne destinée pourvoira à cette lacune. Ça entre dans les possibilités, mais ne compte pas trop là-dessus.

Pas de nouvelles pour le reste. Chaque matin je suis pendant quatre heures devant ma table à écrire. Une seule exception jusqu'ici depuis le mois d'octobre dernier: le jour de la visite de Ernest! Moi aussi je sais de temps en temps faire un petit sacrifice!!!!!

Nous allons très bien, Thea et moi. Quelquefois un petit peu fatigué pendant une demie journée. Cela n'a rien d'étonnant: Nous avons entendu durant cet hiver plus de deux cents concerts, peut-être bien trois cents! Pense donc!

Thea t'embrasse bien. Elle a été sur le point de prendre sa plume pour toi. Mais voilà que j'ai pris mon crayon!

Bien le bonjour à ta Troudi. Si cela peut être un motif de plus pour la serrer sur ton cœur, vas-y mon vieux. Avec le travail c'est la seule bonne chose au monde. Si on peut combiner et équilibrer les deux c'est le comble du grand et vrai bonheur.

Moi aussi je te serre dans mes bras

ton

Miaou

Est-ce que le coucou chanterait déjà dans les bois de Louveciennes?

Verblijfplaats: Amsterdam, Bijzondere Collecties UvA