MATTHIJS VERMEULEN

Componist, schrijver en denker

19450124 Matthijs Vermeulen aan Donald Van der Meulen

Matthijs Vermeulen

aan

Donald Van der Meulen

Louveciennes, 24 januari 1945

Louveciennes (S et O)

le 24 Janvier 1945

2 Rue de l'Etang

Mon bon, brave, cher Donald!

A lire ta lettre dans laquelle tu nous annonces l'envoi d'un deuxième colis, on dirait que tu n'as encore rien reçu de nous que mes deux premières lettres, et que tu ne sais même pas que ton 1er colis est bien arrivé, et salué, reçu, avec une joie débordante et reconnaissante. C'est-y quand même malheureux! Dès que ta lettre est arrivée où tu nous disais: "Ça va bien mais avec du courrier ça irait encore mieux?" nous nous sommes mis à te fabriquer du courrier avec nos modestes moyens de bord et chaque jour nous t'avons écrit alternativement, ta chérie des cartes postales et une lettre, moi toujours des lettres. Alors console-toi, résigne-toi et attends! Tout cela ne peut pas être perdu. Avec la grande offensive française du côté de Mulhouse, il doit y avoir du mouvement sur la ligne et la poste bien sûr en souffre.

Dommage que tu ne sais pas quel immense plaisir tu nous as fait avec ton premier colis, et quel immense service. De savoir cela t'aurait réjoui et réchauffé le cœur pendant plusieurs jours. A la minute même j'ai pu parfumer mon tabac de la bonne et délectable odeur qui vous rappelle et vous transporte dans un autre monde, plus beau que cette geôle sans fenêtres, (tous nos carreaux ont été gelés pendant deux semaines, tu aurais dû voir ça; on était comme dans une crypte du moyen-âge!) et qui est un peu beaucoup le paradis perdu. Tu vois: j'en deviens presque encore lyrique! C'est que ma bonne pipe (de Josquin!) est encore parfumée!

Ton 1er colis est arrivé par la route de St Germain en auto, qui l'a déposé chez M Auvray père, où ton camarade Albanque est allé le chercher, et chez qui à son ton [moet zijn: tour] Anny l'a trouvé. C'était magnifique. Il venait à temps. Et celui-ci viendra aussi à temps.

Anny part tantôt par le train de midi pour aller le chercher. Elle aura tout juste l'occasion de t'écrire son petit mot. (Notre facteur arrive tard!)

Tout va bien. Hier matin encore je t'ai envoyé une lettre. Pas de nouvelles. Sauf que la vieille Mme Bournas est morte et enterrée hier. (En revenant de Bas-Prunay on la rencontrait souvent au croisement avec ses cageots plein de fruits.) C'était le bon temps pour moi, pour nous tous. Et sauf que M. Leduc est tout à coup tombé de son haut et de son long dans sa cuisine, la tête sur une marmite. On croyait à une embolie. Mais il s'est heureusement remis, et ça marche de nouveau avec des restrictions sur la gnôle et sur le tabac. Cela m'aurait peiné s'il était parti. C'est un brave homme. J'ai eu sa visite le jour de Noël, avec sa femme et Aline. Je me faisait justement cadeau d'une petite bouteille de gnôle et de quelques cigares et cigarettes.

Alors, mon chéri, merci encore, merci. L'heure presse. Je t'aime bien, bien, et je t'embrasse fort, bien fort

ton Thys.

Hier soir pendant le souper j'avais justement une violente (et angoissante) impression de ta présence et plusieurs fois j'ai regardé la fenêtre noire, malgré moi, comme font les chats.

Verblijfplaats: Amsterdam, Bijzondere Collecties UvA