MATTHIJS VERMEULEN

Componist, schrijver en denker

19301210 Matthijs Vermeulen aan Henry Prunières - brief en concept

Matthijs Vermeulen

aan

Henry Prunières

 

Louveciennes, 10 december 1930

 

Louveciennes (S. & O.)

21 Rue de Voisins

le 10 décembre 1930

Cher Monsieur Prunières,

J'ai réfléchi deux jours à votre lettre.

Vous pensez bien, j'espère, que la réalisation que j'ai faite de Cadmus ne repose pas sur un caprice. Je ne peux pas la désavouer aussi facilement que vous.

Certes, je n'ai jamais cru que les hérésies apparentes, contenues dans mon adaptation, passeraient comme lettre à la poste. J'avais prévu quelques résistances. Mais jamais je n'aurais supposé qu'aux premières critiques vous me laisseriez tomber. Et non point sur les détails mais sur l'essentiel, sur le principe que je puis défendre dans chaque page, chaque mesure, chaque note.

Je ne sais pas sur quoi se base l'interdiction de votre Comité de ne jamais doubler le chant. Doubler le chant est un usage vieux comme la musique elle-même. Je pourrais m'engager à faire le contraire. A la bonne heure. Mais en aucun cas je ne pourrais m'engager à éviter l'opposé de ce contraire. Ce serait une folie.

Il m'est également impossible de m'imaginer une réalisation à trois parties, basse comprise. Je ne vois pas sur quoi une pareille prescription puisse se fonder. M'est avis qu'il faudrait des miracles continuels pour échapper à une maigreur et une monotonie épouvantables.

Éviter le registre aigu du piano: bien. Eviter la platitude harmonique par un style contrapunctique sans tomber plus ou moins, et même avec une légèreté extrême, dans une manière symphonique, à la rigueur j'y verrais moyen.

Mais à quoi bon l'essayer? Je m'exposerais encore à mille chicanes. Il ne me viendrait jamais dans la tête de mettre mon véto à la façon de voir des autres collaborateurs de l'Edition Lully. Eux, ils pensent avoir ce droit. Ils en usent. Ils auront toujours prise sur moi et vous me laisserez probablement toujours tomber puisque vous n'avez aucune confiance.

Il y a donc plusieurs raisons qui me défendent franchement de souscrire à vos conditions. La moindre n'est pas une certaine dignité qu'on voudrait sauvegarder.

Vous tirerez vous-même les conclusions de ces remarques cher Monsieur Prunières. Il m'est pénible en quelque sorte de me séparer de votre entreprise. J'admire Lully. Je l'aime. Mais sur vos quatre points je ne peux vous donner aucune garantie réelle. Si je vous la donnais ce serait à contre-cœur et avec un profond sentiment de contrainte. Il n'en sortirait rien de bon.

Veuillez, agréer, cher Monsieur Prunières, l'assurance de mon dévouement,

 

doorslag, tevens concept

 

Verblijfplaats: Amsterdam, Bijzondere Collecties UvA