MATTHIJS VERMEULEN

Componist, schrijver en denker

19610709 Matthijs Vermeulen aan Donald en Janine Van der Meulen

Matthijs Vermeulen

aan

Donald en Janine Van der Meulen

Laren, 9 juli 1961

Laren (N.H.)

Drift 45

le 9 juillet 1961

Mon Cher Donald, Chère Janine,

Chers enfants,

Ta longue lettre (de vingt-huit pages si je me souviens bien) a été lue avec toute l'attention qu'elle mérite. Aussi la suivante, qui porta des pièces à l'appui. Vous retournez donc une nouvelle fois à l'état nomade. Cela ne m'étonne pas, vu tes antécédents. Cela m'étonne quand même parce que je suis casanier, depuis que la stabilité m'a paru indiquée. Pourtant je comprends que vous avez quitté les Vosges, tant d'autres lieues, et maintenant le Nord charbonnier. Je ne m'y plairais sûrement pas. Rien que de traverser des contrées pareilles me rend circonspect et maussade. Je sens à dix kilomètres ce qui j'y trouverai. Et toi? Tu ne prévois jamais? Evidemment ce n'est pas mon affaire. Aussi je ne désapprouve pas, ni ne conseille. Je constate seulement, et je serai content quand tu auras rencontré quelque chose de fixe, d'un peu durable.

Merci pour les photos qui sont très gentilles, surtout celle de Janine avec vos deux gosses sur les petits chevaux. Nous avons remarqué avec beaucoup de plaisir que Janine semble y être remise complètement de sa maladie. Josquin a l'air tout à fait costaud, et Dominique pareillement. Tu m'as écrit plusieurs fois qu'ils sont souffreteux. Qu'entends-tu par ce terme? Cela ne se voit pas. Je me le suis même dit lorsqu'ils étaient ici. Je me suis toujours demandé quand tu me racontes vos ballades en auto, s'ils dorment assez, et régulièrement assez. C'est très important. Beaucoup de lait et de fromage aussi. Mais cela ne se voit pas qu'il leur manquerait l'un ou l'autre. L'insuffisance des yeux de Dominique est une triste découverte. Il faudra de la méthode, de la discipline dans le traitement. Nous espérons vivement que cette incommodité sera passagère et vite passée, autant pour vous que pour la petite.

Ce qui me réjouit quelque peu c'est que tes randonnées journalières en scooter, de l'aube et de l'après-midi (ça doit faire 80 kilomètres par jour) ne t'ont pas abîmé la santé jusqu'ici. C'est insensé par tous les temps, même à ton âge. Tous ces jeunes gens immobiles sur leur moteur qui fait du soixante, ça donnera des milliers, des dizaines de milliers de rhumatisants dans vingt, trente années. C'est loufoque. C'est symptomatique pour l'Europe de l'Ouest, tombée en démence, et chaque saison un peu plus folle. Tu te souviens de la célèbre devise des traîtres de 1938-39 "Mourir pour Dantzig"? Maintenant les "patriotes" veulent "Mourir pour Berlin". !! Et c'est le Général qui commande pour recommander pareille inanité à ces abrutis de Français. Berlin sera défendue! Vraiment, est-ce qu'ils gobent une si monstrueuse sottise? Qui l'eût cru! Fais garde avec ce que tu lis de ne pas retarder d'une génération. Le "bon sens" se trouve actuellement en Russie et en Chine. Pas chez nous et pas chez nos alliés qui nous coûtent si cher. Je te le dis franchement. A tous les points de vue j'estime la mentalité de l'Ouest, de l'"Occident" affreuse, horrible, insane. C'est tous les mensonges ensemble qui triomphent. Moi, je ne joue pas avec.

Voilà. Mon quatuor à cordes est terminé. Il n'a rien à faire avec les choses immondes, empoisonnantes. De tout cela pas le moindre écho dedans. Je veux les ignorer quand je fais de la musique. Une telle position prise suscite des difficultés supplémentaires pendant la composition, quand on enrage intérieurement presque continuellement pour ainsi dire. Mais quand on veut on s'habitue à l'élimination de toutes les contrariétés. Bon. J'en suis content. Cela m'a donné du travail, beaucoup plus que pour la symphonie. Mais j'en suis content, et pour le reste je mets tous mes contemporains dans une poche d'une de mes vieilles vestes, la plus usée.

Je n'ai pas compris ce que tu veux suggérer par Waziers.

Si je ne me trompe pas je crois lire dans ta lettre une allusion à une visite de vous à Laren. Tu sais ce que je t'ai dit lors de ton départ l'autre année: Si ça te chante... etc. Mais tu sais que Roland va venir ici au commencement de septembre. Par conséquent ne viens pas quand ton frère sera ici. Cela ferait trop d'encombrement dans notre petite maison, et trop de remue-ménage à la fois pour Thea. Donc: si tu as une envie incoercible de venir, et si l'état de vos finances, la situation de santé des enfants vous le permettent, viens après Roland ou viens avant. Et de toute façon avertis-nous largement d'avance. Pour l'instant je ne vois pas d'obstacle.

Devant les carreaux de ma maisonnette il y a maintenant un champ de pommes de terre en fleurs. Et sous mes yeux les mûres qui font déjà des fruits.

En peu de temps Odilia a énormément changé. Elle est presque "jeune fille". Elle a eu une année scolaire excellente.

Quoique entre le volume de ta lettre et celle-ci il n'y ait pas de comparaison possible, je dois fermer la boutique. La matinée s'est envolée.

Nous vous embrassons tous gentiment et affectueusement avec nos meilleurs souhaits pour votre santé. Bien le bonjour à Mme Mouraux que, hélas, j'ai trop souvent oubliée, dont mes excuses.

ton

Miaou

Merci pour les peintures de Dominique et de Josquin.

Elles ressemblent joliment à celles qu'Odile faisait à cet âge.

Et à la peinture "moderne"!

Verblijfplaats: Amsterdam, Bijzondere Collecties UvA