Donald Van der Meulen
aan
Matthijs Vermeulen
Neufchâteau, 23 april 1958
Neufchâteau le 23/4/58.
Cher Miaw, chère Odile,
chère Théa,
Je crains que cette lettre ne soit bien courte. D'abord grand merci de ta lettre du 7 avril. Je t'ai dit déjà qu'elle m'a fait grand plaisir. Bien que ce fut la première fois qu'une lettre me fit de la peine. Je t'ai senti pour la première fois souffrir et cela a remué mes chairs plus que je ne saurais l'écrire. La description de cette étrange douleur physique a eu en moi plus d'effet je crois que toutes celles morales ou spirituelles dont tu veux bien me faire part. Je sens ma propre chair touchée, meurtrie par les épreuves douloureuses.
Je me sens coupable alors et me promets alors de me racheter. Cher Miaw ne demande pas je t'en prie que je te pardonne pour un silence épistolaire prolongé tu sais que je le comprends tu sais qu'en fait nous ne nous séparons pas que nous ne passons pas une journée l'un sans l'autre et que si le travail nous prend l'un et l'autre de notre côté c'est pour des raisons que nous aimons ensemble et auxquelles nous sacrifions ces manifestations extérieures des sentiments pourtant bien agréables bien sûr mais combien plus goûtées lorsqu'elles se font rares.
Chez nous tout le monde va bien. Nous avons passé l'hiver avec la mère de Janine qui est venu nous secourir lorsque Janine eut son attaque de lumbago en Février qui dura quelques semaines. Des grippes bien sûr des rhumes. Mais nous commençons à oublier aux premiers rayons du soleil et nous reprenons nos forces. Je viens de vaincre une enflure de la cheville droite, furoncle? humeur? je ne sais première école de la volonté ta lettre dernière y a pour beaucoup. Je n'ai pas arrêté le service et cela me permet ce matin de commencer un congé de huit jours avec vous. Beaucoup de travail devant moi au garage toujours et au jardin maintenant. J'ai eu la chance de me confier un grand jardin à l'extérieur sur un plateau qui domine Neufchâteau face à la basilique de Domrémy. C'est une vue admirable splendide magnifique rien qu'en y pensant mon enthousiasme ne trouve pas assez d'adjectifs pour s'exprimer mais c'est surtout l'avantage matériel qui m'attire – Il faut que j'enfouisse dans ces entrailles clémentes et bénéfiques des trésors et je convie ceux qui peuvent à associer à mon geste auguste toute la richesse dont ils disposent. Je la mettrais là en lieu sûr et grande sera la moisson. 15 ares de belle friche mais de belle terre aussi, que je vais mettre en rapport –
Déjà charrue et herse m'ont été prêtées par un fermier voisin. Je vais démarrer mais il manque le nerf moteur. D'où viendra-t-il? Je ne sais encore mais la Providence a donné rendez-vous sur ce plateau. Qui y viendra?
Ne vous étonnez donc pas si après cette lettre il a encore un silence. Pour arriver à faire tout il faut se lever à quatre du matin et se coucher à 10H du soir si ce n'est après. Alors j'ai jardiné j'ai éduqué lorsque je ne fais pas les deux en même temps car sur "mes" terres j'emploie des garçons de l'école, j'ai "fiché" (ça veut dire s'occuper des fiches du garage). S'il en reste alors ce sera pour vous envoyer des "signes extérieurs". Pour l'instant dernier message "T.V.B. à bord".
Pensez que je suis bien parti que je vais avoir 33 ans cette année, qu'enfin je suis devenu sérieux. Pensez aussi que je vous aime en vous embrassant bien fort
Donald
Je jouis quelques mots à ceux de Donald, pour vous dire que nous pensons bien à vous, et vous évoquons dans nos causeries.
Janine
Verblijfplaats: Amsterdam, Bijzondere Collecties UvA