MATTHIJS VERMEULEN

Componist, schrijver en denker

19561209 Donald Van der Meulen aan Matthijs Vermeulen

Donald Van der Meulen

aan

Matthijs Vermeulen

La Garenne, 9 december 1956

La Garenne le 9 Décembre 1956

Cher Thys, chère Théa, chère Odile,

Voici le dernier mois de l'année déjà entamé pour le tiers. Il y a longtemps bien sûr que je voulais vous donner des nouvelles. J'espère tout de même que vous avez eu entretemps mes cartes.

Eh bien ce mois passé a vu des progrès sensibles se réaliser. D'abord au point de vue santé de Janine va toujours mieux, Josquin aussi, Dominique également. Et cela à constater est déjà très réconfortant. Janine a fait la connaissance d'un bon dentiste qui la soigne bien. Josquin rit aux éclats et secoue toutes ses belles rondeurs. Dominique ouvre de plus en plus son petit cœur qu'elle nous révèle charmant.

Lorsque nous sommes revenus à Lagarenne au début de Novembre Berliet m'a annoncé que je n'avais plus rien à faire dans ses usines. Sans aucune explication que je n'ai d'ailleurs pas demandée. Il entrait parfaitement dans le programme que je m'étais imaginé. J'ai vu par hasard sur un bureau une note où je pus lire "Résiliation de contrat Van der Meulen. Travail insuffisant." J'ai eu de la peine à les quitter et j'ai fait toutes les séparations sans y croire. Je n'avais nullement l'impression de rupture. Maintenant Courbevoie est derrière moi. J'ai fixé mon activité à quelques kilomètres d'ici à Colombes (trois km au plus). Dans une maison qui s'occupe du revêtement sur métaux, zingage cuivrage étamage nickelage, etc.. – Créé il y a six ou sept ans par des prêtres-ouvriers elle garde encore son nom de "Caritas" quoique gérée maintenant par une société anonyme. Par l'entremise d'un sordide bureau de chômage je suis arrivé là où j'ai trouvé un regain d'énergie. Mon salaire y a trouvé une hausse de plus de 10% – l'horaire près de 30%. 50 heures par semaine. Voilà que j'ai repris encore une manufacture pour parer au plus pressé car après y avoir réfléchi le progrès immédiat dans la situation nécessitait une mise de fond. Du moins cette fois-ci suis-je nettement déterminé à voir une amélioration notable se faire prochainement. Et je sens que cela devient réalisable.

Enfin pour l'instant vous demandez ce que je peux bien faire chez "Caritas"? Dénomination: "metteur au bain". D'abord imaginez-vous une vieille baraque qui a servi autrefois de lavoir. Là sont alignés maintenant les baignoires où je trempe les pièces qui garderont pour longtemps, si ce n'est éternellement, les bienfaits d'un courant qui les traverse. Savoir les temps, surveiller les températures, l'action des différents bains foule de détails qui m'intéressent peut-être par leur nouveauté peut-être par la magie de l'action de tous ces acides de ces poudres de métal. Et si je voulais trouver une logique à mon intérêt je penserais qu'après avoir appris la transformation de la matière, son façonnage j'apprends maintenant à protéger: deux gammes qui suivent dans la fabrication –

Dans cette vieille bâtisse à l'aspect minable grouille environ une trentaine d'hommes autour de machines sales ils polissent des objets étincelants: des sceaux à champagne des sceaux à glace des cafetières etc. Qui croirait que la beauté de l'orfèvrerie passe par des coins aussi sombres et puants? Des pièces de mécaniques passent par-là, des chaises. Au-dessus d'une porte dernier vestige apparent une croix de notre Seigneur est là encore fixée par un clou et repeint de gris. Souvent je passe au-dessous au cours de la journée et je me plaît à la regarder –

J'ai bien été accueilli dans cette maison où ils ont tout de suite été content de moi. J'avais retrouvé un rythme une ambiance qui me plaisait. J'espère la garder quelque temps cependant. Voilà pas mal bavarder sur mon changement d'activité. Mais n'est-ce pas là le principal?

Ou serait-il que les "sales va-t'en guerre" ont rebroussé chemin? Pour un temps peut-être direz-vous? Mais c'est toujours cela de gagner. En attendant fini les ballades! plus d'essence nous sommes confinés aux départements limitrophes. C'était donc juste temps pour faire le voyage à Laren. Je suis donc doublement content de l'avoir fait.

J'imagine maintenant facilement l'heure à laquelle on ferme les volets du Holtwick et je suis heureux de vous savoir là. J'envoie alors toutes les ondes de paix qui puissent vous entourer et dans la nuit bienfaisante s'élèvent les accords de ton piano auxquels ta voix se mêle délicatement. Tu crées pour la Paix, parce que dans l'Harmonie et je désire ardemment qu'aucune idée belliqueuse ne vienne en intruse troubler ton cœur. Je fais un cercle autour de ce nid et ma Colombe ira te le porter.

En vous embrassant bien tendrement je suis

votre Donald.

Verblijfplaats: Amsterdam, Bijzondere Collecties UvA