MATTHIJS VERMEULEN

Donald Van der Meulen

aan

Matthijs Vermeulen

La Garenne, 17 mei 1955

Le 17 Mai 1955.

S^T Pascal

Cher Miaw, chère Théa

chère Odile,

Pourquoi faut-il que j'attende tant pour répondre à tes lettres que j'aime tant? J'ai la dernière, là, sous les yeux: elle est du 21 avril. Non que je ne me souvins pas son contenu. Ta lettre crée toujours en moi un dialogue qui dure longtemps, des jours et des jours, et qui me remue. Celle du 21 m'a posé le problème embarrassant de trouver une manière convaincante de t'exposer toutes les raisons et sentiments qui pourraient t'amener à Helsinki, au congrès dont tu parles. Je suis heureux d'ailleurs que tu m'en aies fait part, car si loin de toi je partage quand même un souci identique au tien, je crois. Dès que j'ai reçu ta lettre j'ai eu l'intention de t'encourager à faire ce voyage vers Helsinki. Il me semble nécessaire de te pousser à le faire. Comme si ma pauvre voix et mes raisons jeunettes pouvaient influer sur mon père... Pourtant après trois semaines de recherches je me représente à toi avec cette requête: consens à aller à Helsinki. Rien plus que des raisons ce sont des sentiments qui me poussent à te demander cela.

Le sentiment que la cause à y défendre est très importante, qu'elle a besoin d'être étayée, par un esprit puissant, car l'enjeu du combat qui se livre pour elle est capital. Capital pour tout le monde et en particulier pour celui qui en pénètre la gravité.

Oui de nos jours il y a beaucoup de congrès et il y en eut beaucoup dans le passé. C'est précisément parce que c'est l'un des plus vieux réflexes de l'homme sur la terre qu'il faut croire qu'il y a du bon dans son principe.

Dis-moi à combien et à quels congrès as-tu participé dans ta vie? Maintenant que la cause nous tient tant à cœur ne feras-tu pas le voyage? Je pense que ta présence là-bas donnera précisément l'efficacité que tu recherches. Te le prouver? Non il faut y croire. J'ai secrètement enfoui dans mon cœur les germes de cette foi. Il est difficile d'en écrire plus long mais un jour viendra où ton fils s'ouvrira complètement à toi à l'instant où les circonstances le réclameront. J'aimerais pour l'instant tout faire pour favoriser l'impérieux devoir qui me demande d'entendre et de faire entendre ta voix.

En attendant que tu aies remanié comme tu dis ton article ne pourrais-tu, pour moi seul, envoyer la traduction de l'article hollandais? Cela me ferait beaucoup plaisir.

Pensant à la mort d'Einstein qui m'a touché, une anecdote me revient pour toi. J'affectionne particulièrement dans la famille de Janine une cousine dont je t'ai probablement parlé celle qui est presque centenaire: elle a quatre vingt seize ans. Le dimanche 1^er mai nous sommes allés la voir et lui apporter son brin de muguet. Comme c'était au 6^eme, Janine n'est pas montée mais cousine Antoinette sachant qu'elle était là, a voulu absolument la voir. Elle propose donc de descendre et pour ne pas être en reste je l'ai invitée à la promenade de Châteaubleau qu'elle n'avait encore jamais vu. Elle accepta d'emblée et se mit en route pour les 150 kms. Vers la fin de la promenade elle se pencha vers moi qui conduisait à côté d'elle pour me dire "qu'il fait bon vivre!" Dans le bruit de la voiture croyant avoir mal entendu je lui fis répéter pour goûter cette phrase que je connais de toi Miaw, et qui dit tant de choses. Je courrais au bout du monde pour que tous ceux qui ont déjà un long ruban de vie derrière eux puissent répéter ces mots, reconnaître aussi simplement cette vérité "qu'il fait bon vivre sur terre..." Car dans la bouche d'un jeune cela n'a aucune valeur. Il faut avoir vécu et avoir le bonheur d'arriver à cette philosophie pour aimer la vie, désirer toujours sa continuation sur cette terre, la préserver la défendre. Oui, Miaw, il faut la défendre. Nous qui l'aimons nous nous devons de la défendre. Nous qui connaissons sa générosité pour l'avoir tant de fois appréciée, nous devrions nous étonner, sans y penser, à la grandeur de son remerciement. Si nous la défendons, si nous allons la défendre au moment où elle est en péril.

A Lagarenne tout va bien du côté santé de Janine − Manuel s'engage doucement. Les préparatifs vont leur train. Et chez vous comment ça va? J'embrasse bien fort Odile et vous deux aussi bien tendrement.

Le printemps est là luxuriant et parfumé − ces brins de muguet arrivent en retard mais les vœux du plus grand bonheur les accompagnent pour vous trois

Donald.

Bien affectueux baisers, et bonnes pensées.

Janine.

aant.

S^T Pascal: 17 mei is de feestdag van Paschalis Baylon, patroonheilige van alle eucharistiche verenigingen en broederschappen