MATTHIJS VERMEULEN

Componist, schrijver en denker

19511229 Matthijs Vermeulen aan Aline Rousseau-Leduc

Matthijs Vermeulen

aan

Aline Rousseau-Leduc

Amsterdam, 29 december 1951

Amsterdam

Heerengracht 330

le 29 déc. 1951

Ma bien chère Aline,

Quelle heureuse surprise que la carte où le petit Philippe nous annonce la naissance de sa sœur Catherine! Quelle bonne nouvelle aussi de te savoir en France, c'est à dire pas tellement loin d'ici! Voilà encore trois beaux mois devant vous. Tu verras encore le grand jardin de Louveciennes en fleurs au printemps. Je voudrais bien y faire une promenade comme autrefois. La ville me va de moins en moins. Chaque semaine elle se remplit un peu plus de véhicules; encore un an et on ne saura plus où les mettre; c'est inimaginable tout ce qui roule. Parmi ce fracas continuel il n'y a pas la plus petite possibilité de musique. Alors tu penses! Si je pouvais faire ce que j'aime le mieux je saurais bien où aller et je ne tarderais pas. Mais comment gagner sa vie? cela reste toujours le problème. Pendant la saison musicale qui dure jusqu'à fin juin – mi-juillet, pour recommencer en septembre, nous sommes enchainés tous les deux à notre profession qui est d'écouter les concerts et d'écrire ''un bel article" comme dit la petite Odile. Car elle s'occupe beaucoup de nous, et bien sûr, elle sait le français. Les premiers mots que je lui ai appris à comprendre lorsqu'elle avait quelques jours ont été "fais risette", et elle a tout de suite pigé. Nous avons continué ainsi, et c'est sans le moindre mal qu'elle comprend et parle maintenant les deux langues, le français et le hollandais. S'il t'arrive de visiter Amsterdam, vous pourrez faire la causette ensemble. Je suis toujours très content d'elle, et elle le mérite! Je t'envoie une photo, prise en juin dernier. Le 19 janvier [sic] elle aura trois ans. Elle est encore toujours blonde; très gaie, très vigoureuse, remuante, et extrêmement compréhensive. Le soir elle s'endort à six heures pour se réveiller le matin suivant à sept heures en excellente humeur. Elle nous rend de grands services par ces dispositions harmonieuses. Car presque tous les soirs nous nous trouvons obligés de nous absenter, et très souvent nous devons la laisser alors toute seule à la maison, ce que nous pouvons faire sans la moindre inquiétude.

Et votre petit Philippe? Brun ou blond? Tu vas m'en envoyer aussi une photo!? Comment se plaît-il à Paris et dans notre cher village? Oui, les enfants demandent beaucoup de temps et donnent du travail. Mais de la joie aussi, et pas peu, tu le sauras certainement. As-tu déjà revu ton professeur de musique? Comment vont les études? Ta chorale là-bas c'est-elle développée? Tu as pas mal de nouvelles à me donner encore!

Pas besoin de te dire que Théa et moi nous allons très bien, même avec ce fardeau de notre boulot. Heureusement. Dans l'estime de mes compatriotes je crois faire de réels progrès, réguliers, mais un peu lents, tout de même appréciables, car je ne suis pas commode, il faut l'avouer!

Pas besoin non plus de te dire n'est-ce pas le bonheur que nous partageons avec vous pour la petite Catherine et que chaque jour nos meilleurs vœux vous accompagnent. Ensemble nous vous souhaitons l'année 1952 bonne et heureuse; ensemble nous vous embrassons très fort. Et au revoir le plutôt possible!

Matthijs

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