MATTHIJS VERMEULEN

Componist, schrijver en denker

19481128 Donald Van der Meulen aan Matthijs Vermeulen

Donald Van der Meulen

aan

Matthijs Vermeulen

Louveciennes, 28 november 1948

Louveciennes le 28-11-48

Cher Miaw, chère Théa,

Voici deux jours que j'ai reçu une lettre de toi, Miau que j'attendais tant, voici plusieurs jours que j'ai reçu votre chère lettre, Théa et maintenant seulement je vous réponds. Je trouve que c'est un peu tard et j'en souffre le premier. Mais il y a tant de changement ici: Clarisse et Trudi sont arrivées le 16 et je vous l'annonce enfin! Vous pouvez vous imaginer un peu le bouleversement que cela a fait et le peu de temps que j'ai eu pour écrire. Maintenant la vie reprend son calme et je peux penser tranquillement à vous. D'abord merci de vos bonnes nouvelles. J'ai joie à lire que tout s'annonce parfait quant à la naissance de ce nouvel être dans la famille. Au fait comment s'appellera-t-il?

Et puis l'annonce du couronnement glorieux de tes efforts, Miaw m'a fait aussi beaucoup plaisir. Ça vaut une forte et tendre accolade. Je souhaite que ton succès passe les frontières et vienne à moi sous la forme d'une traduction par exemple que je pourrais peut-être essayer de lire... Ne serait-il pas doux de te retrouver en ces pages?

De mon côté j'étais encore tout à la joie du retour de mes deux êtres chéris lorsque tu m'écrivais ces bonnes nouvelles. Trudi m'est revenue et Clarisse aussi. Changées, beaucoup changées à l'avantage, de Clarisse par exemple: elle est saine et forte, ne dis pas trop que c'est une merveille, c'est un enfant comme les autres et qui a déjà appris à me reconnaître. Elle ne comprend que très peu le français, bien l'allemand, dit papa et maman et court à travers toute la maison comme une petite oie au gros ventre. Sa voix n'est pas belle quand elle crie mais elle peut y mettre de belles et douces intonations quand elle dit "papa"...

Trudi va aussi bien, un peu fatiguée et avec le mal du pays. Elle vous envoie ses bons baisers si toutefois elle n'a le temps de vous écrire. Je l'ai retrouvée avec beaucoup de bonheur, il n'était malheureusement pas entièrement partagé. Que se passe-t-il dans une petite tête de vingt ans? Tu sais donc Miaw que j'avais préparé ma maison pour l'arrivée de ces dames? Tu voudrais une description de la maison. [hier volgt een uitvoerige beschrijving]

La vie à Louveciennes m'est agréable. Mon travail me plait pas, mais enfin j'accepte pour l'instant. J'ai eu un petit accident il y a quelques semaines à l'usine bêtement trébuché et tombé sur un axe de fer posé en équilibre sur le bord d'un chevalet et que j'ai propulsé moi-même violemment contre mon arcade sourcilière droit ça m'a étourdi et fait une bosse grosse comme le poing en dix secondes... C'était en pleine nuit à deux heures du matin. Ils m'ont ramené de Choly ici et Olivier m'a soigné: maintenant je n'ai plus que quelques traces de sang dans l'œil une toute petite bosse, une horreur des chevalets et leur axe et du travail de nuit. Enfin après quinze jours de repos je l'ai repris mais de jour seulement. C'était la deuxième nuit que je faisais.

J'ai été content de voir Roland pendant ces jours de repos aussi que Marcelle et de voir qu'ils sont très bien, nous avons passé trois bons jours ensemble.

Bien des gens me demandent bien souvent comment va Mr Vermeulen et j'ai la joie de leur donner de bonnes nouvelles de vous. Parfois on se demande si tu ne voudrais pas revenir? Enfin on ne t'a pas oublié.

Je n'ai pas eu de nouvelles d'Anny depuis un certain temps, je pense que tout va bien.

Tu m'as annoncé, Thys, l'envoi d'un nouveau chèque et hier j'ai déjà reçu l'avertissement de la banque comme quoi il est arrivé. Je suis déjà allé à St Germain, mais sans savoir l'adresse exacte de la banque puisqu'elle n'était sur aucun des papiers. Elle s'est présentée à moi au coin de la rue au Pain alors que je me promenais avec Clarisse et Trudi. Je te remercie mille fois pour cet aide qui m'apporte tant de tranquillité dans ce nouveau démarrage. J'en fais le meilleur profit.

Un petit mot encore sur ta petite fille: elle aime bien que je lui joue de la flûte et hier alors que je me débrouillais dans mes improvisations je tombai par hasard sur un fragment de thème que je trouvais intéressant. C'est à ce moment que dans l'immobilité tendue de la tête elle jeta un de ces regards inquisiteurs que je ne connais que de toi, vers la source invisible de cette musique... C'est un petit être charmant au cœur très doux. Je n'ai pas encore de photo à vous envoyer mais bientôt. Je vous embrasse bien fort et pense bien à vous.

Théa pardonnez moi mon retard votre lettre m'a fait un énorme plaisir et je pense beaucoup à vous aussi: je vous vois même en rêve à Louveciennes