MATTHIJS VERMEULEN

Componist, schrijver en denker

19480818 Donald Van der Meulen aan Matthijs Vermeulen

Donald Van der Meulen

aan

Matthijs Vermeulen

Neuilly-sur-Marne, 18 augustus 1948

Ville Evrard

(S et O)

Le 18 Août 1948

Cher Thys, chère Théa,

Vos deux dernières lettres m'ont fait un grand plaisir et m'ont été d'un grand encouragement. Je les ai reçu en effet peu de temps avant de tenter ma chance comme dessinateur et j'avais besoin d'un peu d'assurance. Je l'ai trouvé dans ton approbation Thys et dans votre cri de joie Théa qui m'a beaucoup touché. Maintenant dire que l'examen en fut réussi ce n'est malheureusement pas possible. Il y avait pas mal de choses que je n'avais pas eu le temps de revoir. Enfin attendons les résultats avec optimisme.

Votre bonne lettre Théa m'a fait beaucoup plaisir vous plaisantez avec mes 73 kg mais voici de l'extraordinaire: ils sont passés à 83 comme me l'ont prouvé deux balances automatiques de Paris. Je peux à grand peine mettre le costume dont Thys m'a fait cadeau voici plus de deux ans. Moi qui porte toujours l'uniforme de l'hôpital je ne m'étais pas aperçu de cet "élargissement". Vous voyez, je suis sur le bon chemin. Trudi me reconnaîtra avec du mal, (d'ailleurs je vous joins une photo qui n'est pas fameuse mais enfin vous pourrez toujours me voir) et Clarisse encore moins. Voilà bientôt un an que ma petite Clarisse venait au monde. Si vous saviez quel beau jour c'était. Je crois [que] ça peut se comparer avec un dimanche du mois de Juin 1925. L'émotion, la joie du moment où je "réalisai" la beauté entière de l'événement, furent si grandes si profondes que je n'oublierai jamais ce jour. Ma petite Clarisse est bronzée comme une négresse m'écrit sa mère et son poids dépasse 10 kg m'écrit sa grand-mère me racontant que lorsqu'on lui dit "regarde, mon enfant, ta poupée pleure" elle la prend à elle et la caresse de sa petite main. C'est gentil n'est-ce pas? Elle comprend beaucoup de choses, paraît-il mais ces dialogues sont en allemand bien sûr. Nous allons en faire une polyglotte... Enfin, Théa, c'est à vous que je me confie en ces beaux jours d'espoir, je fus si heureux d'être père et je suis encore si heureux même de savoir ma fille si loin. Nos vœux à Trudi et à moi sont ardents pour redonner à notre ange la chaleur du foyer. Nous nous en remettons à Dieu.

Miaw, j'ai donc fait une brève visite à Louveciennes lundi dernier où Aline m'a reçu gentiment comme toujours. La famille Battedou avec laquelle nous avons de bonnes relations a été aussi étonnée de me voir puisque je n'avais averti personne ne sachant pas moi-même le jour de mon voyage. Que de verdure reposante à contempler dans notre village. Tout est si touffu et fleurit. La paix règne dans ce petit hameau et on y est tout de suite si sensible. Je ne suis malheureusement resté que à peine trois heures puisque je devais rentrer le soir à Ville-Evrard. Je n'ai pas fait de romantisme rien que du réalisme sois sans crainte! je ne peux d'ailleurs que rarement en faire, quand l'objet aimé n'est pas sous mes yeux, la source ne coule pas avec autant de force.

Pour ce qui est de mon avenir tu vois que je ne peux te donner encore aucunes données bien fixes mais dès que je les aurai tu penses bien que ma joie sera de te les communiquer.

Je voudrais depuis longtemps te prier très tendrement de ne plus reparler à Roland des dernières événements desquels tu as tiré dans une de tes lettres une morale bien dure ce me semble. Moi qui ai vu Roland et Marcelle peu de temps après, je trouve leur malheur si pénible que je ne voudrais pas voir Roland se ronger du remords dont tu voudrais le charger. Cher Thys, chère Théa je vous embrasse tous deux bien fort et vous souhaite bonne santé

Donald

Je veux bien un colis ce qui m'a le mieux plu: le miel, nutrogen, la margarine!