MATTHIJS VERMEULEN

Donald Van der Meulen

aan

Matthijs Vermeulen

Neuilly-sur-Marne, 4 augustus 1948

Ville-Evrard

S et O.

Le 4 Août 1948

Cher Miau, Chère Thea,

Il me semble qu'il y a bien longtemps que je n'ai reçu un signe de vie de vous. Tout d'abord mes vœux accompagnent Théa, pour que sa santé soit des meilleures. Et toi Miaw comment vas-tu? Ça fait aussi bien longtemps que je ne t'aie pas écrit hein? Que veux-tu, ce traitement qui a repris sur une autre variante, comme je crois vous l'avoir déjà relaté, me laisse dans un état plutôt piteux. L'agitation du matin a l'effet de l'annihiler plutôt et de me faire perdre une partie du plaisir que je pourrais prendre à passer mon après-midi dans le parc. Elles furent pourtant belles ces dernières journées: un soleil épatant et des ondées bien rafraîchissantes. Avez-vous le beau temps aussi chez vous? Enfin pour vous donner des nouvelles du traitement l'état physique est de plus en plus satisfaisant. Le docteur est très content de moi et parle d'abréger la durée du traitement. C'est vous dire que ma joie est grande à cette perspective.

D'ailleurs j'entends dire à droite et à gauche que j'ai bien meilleure mine. Le docteur directeur de ces services est un homme sympathique, mélomane distingué paraît-il, qui n'a pas manqué de me le dire. Je fais avec plaisir une petite causette avec lui où l'on voit que l'harmonie a sa place. Ainsi l'aide n'est pas uniquement matérielle, comme tu dis, Thys.

Mais en passant rendons grâces aux bons petits produits hollandais dont je me délecte encore tous les jours. Vos bonnes provisions ont aussi un effet merveilleux dans le "redressement". A la dernière pesée, j'étais passé de 69^K à 71. Que dites-vous de cela?

Avec ça le samedi après-midi à la veille de mon jour de repos "unique" je fais volontiers une petite heure de culture physique qui me fait dormir profondément ma nuit du dimanche et qui me fait rester dans une forme adéquate. Aussi le traitement et la convalescence se mélange un peu comme vous le voyez. C'est dire que le jour de la sortie approche, se précise dans le vague. J'espère tout de même pouvoir à l'automne faire ma cure de romantisme autour du Trou d'Enfer et du val de Cruye. Trudi le souhaite aussi fort. Elle connaît à peine ces lieux enchanteurs que tu m'as fait connaître, Miaw, et déjà elle les aime. Elle m'écrit des lettres nostalgiques où j'ai de bonnes nouvelles de ma petite Clarisse. Sais-tu qu'elle me ressemble beaucoup? Elle s'éveille avec le sourire et s'endort de même. Je suis tellement heureux d'être père et Trudi si heureuse d'être mère. Thys, je voudrais tant poursuivre avec mon petit foyer l'heureux temps de Louveciennes. Ne puis-je rester dans ce village où nos racines sont déjà si profondes? Le père Christian voudrait bien m'embaucher comme scribouillard dans sa maison de Lyon. Moi je voudrais poursuivre ma formation professionnelle que je veux orienter vers quelque chose de mieux qu'auparavant: le dessin industriel. L'organisme d'ici s'est occupé de cela et je te donnerai les résultats aussitôt que je les aurai. Pour ma part je remarque une curieuse coïncidence: avant que je n'entreprenne mon stage d'électricien, j'avais fait le vœux de faire du dessin industriel mais je n'en avais pas eu la possibilité. Or une assistante sociale d'ici qui s'occupe de moi, ayant fait une visite à mon atelier, apprit du directeur que mon orientation serait plus à propos vers le dessin industriel. De là la naissance de ce projet que j'espère mener à bien. Qu'en penses-tu?

Au moment où je t'écrivais, Aline est arrivée et m'a fait une charmante visite où l'on a pas manqué de parler de toi. Et puis le facteur avec quatre lettres de Trudi et une de toi. Grand merci de cette lettre du 3 août. Tu me demandes les secrets de mon cœur. Tu les as. Ma nostalgie pour Louveciennes te dit certainement assez sur mon souhait de ne pas quitter la région parisienne, d'autant [plus] que mon occupation future m'y rappelle et me paraît plus reluisante n'est-ce pas ton avis? Voici pour ce qui est de mon avenir social comme je le vois. Economiquement c'est encore un peu plus vague... Anny me tend la planche de ses économies qui me seront d'un grand secours pour le démarrage. Tes quatre mille francs que tes tours de passe-passe ont fait arriver à Louveciennes me seront sans doute aussi très utiles (s'ils ne sont pas mangés avant!) pour arriver à la première paye de ce nouveau stage qui commencerait fin septembre. Alors je crois que le bon Dieu sera content, et moi aussi, du changement qui s'est opéré.

Je ne sais comment te remercier d'avoir envoyé quelque chose à Trudi. Ça me rend tout heureux. Je voudrais tellement pouvoir les gâter. Que ça vienne du "grand-père" c'est encore meilleur! Pour ce soir je te décevrai encore avec mon écriture car j'écris à la dernière lueur du jour pour que ma lettre parte demain. Je vous embrasse tous deux bien fort et vous souhaite de bonnes vacances autour du Heerengracht c'est encore le mieux!

Salut!

Donald

P.S. Le début de ma lettre ne tient plus puisque...