MATTHIJS VERMEULEN

Componist, schrijver en denker

19480310 Matthijs Vermeulen aan Ernst Levy

Matthijs Vermeulen

aan

Ernst Levy

Amsterdam, 10 maart 1948

Amsterdam

le 10 mars 1948

330 Heerengracht

Mon cher Ami,

Tu n'as pas besoin de me le demander, et je te le dis de tout cœur: "Actuellement" je regrette beaucoup que nous ne nous verrons pas pendant ce séjour de toi dans notre vieille Europe qui peut-être ne sera plus longtemps. Je me demande si tu n'as pas lu une certaine indifférence envers toi dans la lettre que je t'adressai à Bâle, et si cette impression n'a pas pesé sur ta décision d'éviter Amsterdam. J'espère bien que ce n'est pas le cas. En t'écrivant je repris simplement la conversation telle que nous l'avons interrompue sur le quai de la gare, l'autre année, et comme nous avons toujours eu l'habitude de reprendre nos entretiens, même le premier, Rue Clauzel! Je te disais le premier de mes soucis: manque de loisir. Mais ça m'aurait fait un vrai plaisir de te voir ici, et on se serait bien arrangé! J'aurais voulu te parler d'un tas de choses, entre autres de plusieurs compositeurs suisses, joués ici, et que je trouve remarquablement médiocres. On dirait vraiment que c'est le truc des derniers temps: se faire acclamer par et pour sa médiocrité!!

Comme c'est dommage que tu ne m'as pas fait signe lorsque tu as débarqué à Rotterdam! Certainement je serais venu te chercher. De cela je suis sûr.

Enfin... Si tu peux viens encore. Mais raisonnons comme si tu n'arriveras plus: Mon livre, dont je te parlais l'autre année, a paru. Est-il utile que je te l'envoie avant ton départ? Tu n'as qu'à le dire alors.

Depuis quelque temps je travaille à un second et toutes mes matinées sont employées à cela. C'est étonnant comme les jours s'envolent. Et toi, qu'est ce que tu fais, tu as fait?

Voilà bien le principal, et le nécessaire. Tout va bien me semble-t-il. Nous trimons. Nous nous aimons. Théa aussi regrette que nous ne te verrons pas. De tout le reste on ne s'occupe pas trop. Le printemps arrive et la fin des concerts. Quelle drôle de chose "les concerts" qu'on doive en souhaiter la fin! A propos encore de cette polémique au sujet de Strauss, je ne l'ai pas encore gagné effectivement de facto, mais assurément je l'ai gagné moralement. Ça compte, et même le plus.

Nous t'embrassons tous les deux fraternellement, et quand même au revoir tôt ou tard,

fidèlement,

Matthijs.

Verblijfplaats: Amsterdam, Bijzondere Collecties UvA