MATTHIJS VERMEULEN

Componist, schrijver en denker

19450210 Matthijs Vermeulen aan Donald Van der Meulen

Matthijs Vermeulen

aan

Donald Van der Meulen

Louveciennes, 10 februari 1945

Louveciennes (S et O)

le 10 février 1945

2 Rue de l'Etang

Mon bien cher Donald,

Pour que tu aies du courrier et que tu entendes appeler ton nom quand le vaguemestre feras cette distribution. Rien que pour cela et pour te dire encore une fois que tu es inoubliable et que je te commémore avec gratitude chaque foi que nous nous trouvons à la table familiale tellement déserte, et que serait exactement comme le désert sans toi!!

Donc aucune nouvelle. Sauf que je travaille avec acharnement, avec obstination et avec bonheur. Le jour de mon anniversaire j'ai même manqué de t'écrire parce que j'étais abimé dans mon boulot. Et sauf que j'ai reçu hier six bouteilles de pinard. Et sauf que la vilaine Fifi, la crapule, la fripouille, a essayé de bouffer ma musique, qu'elle a mis ses griffes et ses dents dans ma belle partition, que je dois recoudre plusieurs pages avec du papier collant et que chérie trouve cela original, et toi probablement aussi par-dessus le marché. Mais pour moi cette voracité fantastique d'une chatte qui pourtant a de quoi manger est un symptôme, un avertissement, un symbole de ce qui est destructeur dans le Temps et dans l'Espace, un funeste présage, une annonce faite à Miaou qu'il élabore des choses essentiellement périssables et qu'il peut être content si tous les rongeurs en restent là, mais qu'il doit sérieusement songer à fonder son avenir lointain sur des bases plus solides!!!

Tu vois, je sais encore construire des phrases magnifiques, profondes, ronronnantes comme Quito quand il me rencontre improvisément dans le jardin et qu'il me saute sur le dos. Lui n'aurait jamais fait ça. Il est trop philosophe, trop sage, et initié dans les affaires sacrées.

Cet après-midi je dois reprendre ma scie. Heureusement M. Leduc l'a magistralement affûtée pour moi et elle a l'air si bien tranchant que c'est presque un plaisir de reprendre ce pauvre travail abrutissant d'esclave.

Alors la guerre finirait-elle tout de même quand ma cinquième symphonie sera finie? On le dirait presque.

Mais ce n'est pas pour cela que je te verrai ici.

En attendant je pense au facteur de lundi; c'est le jour de ta lettre.

Anny va faire une virée à Paris et vient chercher ma lettre.

Je t'embrasse bien fort

Thys

Verblijfplaats: Amsterdam, Bijzondere Collecties UvA