MATTHIJS VERMEULEN

Componist, schrijver en denker

19440524 Cécile Frenkel-de Jong van Beek en Donk aan Anny Vermeulen-van Hengst

Cécile Frenkel-de Jong van Beek en Donk

aan

Anny Vermeulen-van Hengst

Méréville, 24 mei 1944

La Marjolaine

Méréville 1944

24 Mai.

Bien chère Madame

Comme il y a longtemps que je ne vous ai pas demandé de vos nouvelles.

J'en suis toute peinée! L'explication en est que j'ai été très malade cet hiver. Le docteur et M. le Curé ont cru que c'était la fin et quand j'ai survécu aux crises cardiaques, je suis restée si faible que j'étais incapable de faire le moindre effort.

Aussi, si aujourd'hui je vous écris en français, c'est parce que cette chère langue, ma langue quotidienne depuis 50 ans, m'est plus facile que le hollandais que je parle et écris si rarement. Quand on est une pauvre petite loque sans forces, on cherche le moindre effort. Vous comprendrez cela, chère Madame. Et je ne voulais pas remettre cette lettre à plus tard puisque je tenais à vous offrir ces petites fleurs sous forme de papier pour vous embellir peut-être un peu la grande fête adorable de la Pentecôte.

J'espère de tout mon cœur que vos santés sont bonnes? Votre fils qui était si souffrant, va-t-il mieux? La grande œuvre de Monsieur Vermeulen avance-t-elle toujours dans la joie bénie de la création? Et votre santé et votre prisonnier? et votre vaillant lycéen? et votre chère fille, sa vocation religieuse éclaira-t-elle toujours sa chère jeune âme?

C'est pour elle que je vous envoie ci-joint la petite brochure sur la congrégation où est ma Christine Claire, ma fille aimée. (elle est en vérité ma belle-fille, l'enfant d'un premier mariage de mon mari, mais je l'aime comme mon propre enfant)

Peut-être un coup d'œil sur cette vaillante jeune congrégation, tellement active, bienfaisante, et, par les innombrables grâces qui affluent sur elle, on ose croire hautement bénie par Dieu, intéressera votre fille. Si cette œuvre pouvait attirer sa sympathie elle n'aurait qu'aller 99 rue Notre Dame des Champs et demander de ma part Mlle Frenkel, ou, si celle-ci n'était pas chez elle, la supérieure, Madame Thomine, qui est une femme de haute intelligence et d'une grande sainteté, une vraie âme d'apôtre, et par conséquent très intéressante à connaître.

Dans notre temps si plein de tristesse, de laideur, de cruautés et de bassesses, il est doux, n'est-ce pas? de se reposer un moment dans ces lieux de saint amour que sont les couvents quand, vraiment l'esprit du Christ y règne.

Avez-vous encore revu l'aumônier hollandais qui vous avait tant plu? Moi, je n'ai jamais pu faire sa connaissance; voilà plus de deux ans que je n'ai pu aller à Paris.

Chez mes enfants à Paris tout va bien jusqu'ici. J'espère que bientôt ils viendront ici se reposer de la vie si difficile à Paris et si fatigante par les continuelles alertes.

Adieu chère Madame. Je m'arrête, à bout de souffle. Que la protection de Dieu soit sur vous tous!

En toute sympathie à vous

Cécile Frenkel dJvBeD

avec 3.000 f.

Verblijfplaats: Amsterdam, Bijzondere Collecties UvA