Matthijs Vermeulen
aan
Josquin Van der Meulen
Louveciennes, 22 oktober 1941
Louveciennes
le 22 octobre 1941
Cher Josquin,
Je me réjouis presqu'autant que toi de cette fêlure dans ton crâne. Remarque (pour fixer un point d'histoire) que je n'ai jamais voulu admettre l'épilepsie dans ton cas, et que j'ai dès le commencement, (c'est-à-dire dès que cela continuais!) attribué ton mal aux suites de ta chute. J'aime bien avoir raison, comme on dit!! Mais surtout ici, et j'espère bien, avoir raison jusqu'à la fin. Si jamais je t'ai parlé des bienfaits possibles de l'épilepsie, visible chez quelques grands hommes, c'était seulement par pis-aller et pour te dégager l'horizon. Certainement ces grands hommes eussent été plus grands, et véritable grands, sans leur mal. Pour moi, personnellement, je n'aurais jamais rien voulu, ni pu, entreprendre de valable, sans la certitude d'un bon équilibre physique.
Si cela t'intéresse dans ton coin: je crois que j'ai entrepris une nouvelle œuvre. Je ne sais pas encore exactement ce que cela deviendra, mais cela sera certainement orchestral. La première idée m'est venue lundi-soir, vers minuit. Curieux: c'est encore dans le genre victorieux. De cette symphonie pour les morts (et les vivants) dont je t'avais parlé, j'avais encore fini le texte, mais la musique ne voulait pas venir. C'est comme si cela ne m'intéressait pas encore vraiment. C'est terrible à dire (quelque chose comme: il n'y en a pas encore assez!) mais c'est comme ça. Peut-être pour plus tard ou pour jamais. Momentanément j'espère bien pouvoir continuer.
Alors, mon grand, au revoir. Je ne crois pas que je viendrai à St Germain; mes pensées par contre t'accompagnent. Je t'embrasse
Matthijs Vermeulen
Verblijfplaats: Amsterdam, Bijzondere Collecties UvA